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23 novembre 2011 3 23 /11 /novembre /2011 20:46
Sarkozy instrumentalise le meurtre d'Agnès à distance
Il y a des affaires que l'on ne souhaite pas voir politiser. Mais depuis 2002 déjà, tout est possible.

Le meurtre de la jeune collégienne dénommée Agnès, 14 ans, en Haute-Loire n'a pas été instrumentalisée de la même manière qu'un autre meurtre, celui de Laëtitia, 18 ans, en janvier dernier à Pornic. La réaction gouvernementale a été gênée, compassionnelle, forcée et tardive. Sarkozy est volontairement et hypocritement resté en retrait. Il a laissé ses sbires agir à sa place.

Du meurtre de Laetitia...
En janvier, Nicolas Sarkozy était sorti de ses gonds quand la nouvelle du meurtre de Laëtitia avait été confirmée, 8 jours après sa disparition. Il avait parlé de l'indicible, s'était emporté au point de réclamer une nouvelle loi contre la récidive. « Il est indispensable que les récidivistes fassent l'objet d'un suivi spécifique et approprié dès leur sortie de prison. (...) Lors de la discussion à venir du projet de loi sur les jurés populaires, actuellement en cours de préparation, nous aurons l'occasion de débattre largement de cette problématique et d'adapter notre législation en conséquence.» Quelques jours plus tard, ses proches et ministres lui faisaient comprendre qu'une nouvelle loi serait inutile; qu'il suffisait déjà d'appliquer l'existant. Ses propres députés refusèrent tout nouveau texte.

Bref, en l'espace de quelques semaines, le ratage fut complet. Sarkozy apparut comme un incompétent (il gère le sujet sécuritaire depuis bientôt 10 ans) qui perd ses nerfs et n'est plus suivi par ses propres troupes.

Dix mois plus tard, une autre jeune fille est violée, tuée puis son corps brûlé. Agnès était plus jeune que Laëtitia, et son assassin a, lui, rapidement avoué. Il a 17 ans, et devait être jugé pour une autre agression sexuelle dans le Gard. Un fait gravissime mais dont l'internat Le Cévenol qu'il fréquentait comme la jeune Agnès n'était pas au courant. Dimanche, une grande marche blanche s'est déroulée en silence dans le village.

Lundi, le père d'Agnès a expliqué: « On veut éviter toute politisation. Je sais que c'est difficile, je sais que c'est illusoire surtout en période d'élection. C'est horrible à dire, mais on voudrait que d'une certaine façon, ce drame puisse servir d'exemple et mobiliser tous les acteurs de la prise en charge de ce type d'individus pour trouver les solutions ».

Il voulait éviter toute politisation. Il n'a pas été écouté au plus haut sommet de l'Etat.


... à celui d'Agnès
Pour ce meurtre, la réaction officielle fut très différente. L'Elysée n'a accusé personne, Nicolas Sarkozy est resté en retrait, aucun communiqué n'est venu polluer le site de l'Elysée. Il a laissé ses proches réagir, surenchérir et instrumentaliser l'affaire. Un conseiller a confié que « c’est lui qui a arbitré les mesures prises en matière de prévention de la récidive, et a prié François Fillon de réunir les ministres concernés », selon Jean-François Achilli. Le conseiller en communication, élu local du coin, en rajoute: « Nous ne voulons pas mettre de l’huile sur le feu, il y a des mineurs en jeu. (...) Les socialistes réclament des centres éducatifs fermés alors qu’ils étaient contre ! Le débat sur la récidive est constant, il faut s’adapter au fur et à mesure », a expliqué Franck Louvrier. 6 lois contre la récidives en 7 ans... Quelle adaptation ? Pour quel bilan ?

En parallèle, on apprenait que Sarkozy réfléchit annoncer sa candidature ... en mars, à quatre ou cinq semaines de l'élection. Sans bilan, il veut être réélu sans campagne. Il fait quand même campagne. Mardi, il était à Toulouse. Il fustigea à nouveau les opposants au « progrès » nucléaire, réaffirma le besoin de revoir les traités européens pour une meilleure intégration de la gouvernance de la zone euro, rabacha sans surprise des platitudes sans saveur ni risque d'être contredit: « il faut une véritable convergence des politiques économiques au sens large, ce qui veut dire une convergence des politiques fiscales ». « Il faut », « y qu'à », « faut qu'on »...

Mais de l'affaire Agnès, pas un mot présidentiel, ni même une allusion. Sarkozy agit en coulisses, jamais à découvert. Qui sera dupe ?

Sur le meurtre d'Agnès, Laurent Wauquiez était inévitable, le meurtre a eu lieu dans la commune de sa mère, Le Chambon-sur-Lignon. Le chouchou de Sarkofrance, lundi matin sur Europe 1, ne voulait pas commenter d'éventuels dysfonctionnements d'une justice que son camp dirige depuis 10 ans.

Claude Guéant, ministre de l'intérieur, est intervenu tardivement, dimanche soir sur RTL, puis lundi soir sur TF1: « Oui, il y a eu dysfonctionnement ». Depuis 9 mois, Nicolas Sarkozy lui a sous-traité les surenchères en tous genres. Il répéta ainsi une si vieille antienne sarkozyenne qu'on se demande qui dirige le pays depuis une décennie: « à 17 ans et onze mois, vous êtes soumis à un droit, à 18 ans, vous êtes soumis à un autre droit ». Il a même promis une loi, une autre, et évidemment « profonde », sur la justice des mineurs.

Mais cette « réforme profonde » sera pour après les scrutins présidentiel et législatif. Il faut que le meurtre d'Agnès serve la campagne Sarkozy jusqu'au bout !

Lundi, François Fillon, premier ministre, a convoqué l'inévitable réunion de crise, vers 16h30 à Matignon: « la prévention de la récidive doit être une priorité absolue de tous les services de l'Etat, et en particulier de tous ceux qui ont à gérer les questions liées aux viols et aux crimes sexuels. Ce que nous voulons tirer au clair, ce sont les éventuels dysfonctionnements dans la chaîne pénale ». Sans surprise, « une série de mesures ont été proposées pour éviter que ce type de drame ne se produise à nouveau » commentait un journaliste d'Europe1.

Son garde des Sceaux a ajouté son grain de sel, promettant d'ajouter « l'évaluation de la dangerosité » dans sa loi de programmation militaire, « au moins dans les affaires les plus graves » et la généralisation de l'internement en centre fermé.

Jamais en reste pour faire parler d'elle, Rachida Dati s'est jetée sur le fait divers pour regretter que son projet de loi de réforme de la justice des mineurs ait été « laissé sans suite » depuis son départ en 2009.

Mardi, on apprenait que la capacité d'accueil des centres éducatifs fermés, créés par la Loi d'orientation et de programmation pour la Justice du 9 septembre 2002, serait « renforcée ».

Amis sarkozystes, tenez-bon
juan Sarkofrance
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23 novembre 2011 3 23 /11 /novembre /2011 20:42

fin des 35H00 : Même Sarkozy n'y croit pas ... encore ?

L'ennemi juré de l'UMP, ce sont les 35H00, ils l'ont dit, répété lors de leur convention. Problème, le Président « toujours pas candidat » refuse d'intégrer cette suppression, dans son futur programme. Du moins pour l'instant ?

 

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Si l'on en croît l'UMP, qui nous bassine depuis des années avec le « Travailler plus pour gagner plus », les 35H00 sont la cause du déclin économique de la France, de la mentalité d'assistés des français et très probablement , des licenciements boursiers, de la crise financière devenue économique, de la délinquance, de l'inégalité hommes femmes, des arrêts maladie, du retour des maladies infectieuses comme la tuberculose, des cancers professionnels comme celui de l'amiante, ...

C'est d'ailleurs pour mettre fin à des situations, dont l'UMP n'assume aucune responsabilité, puisqu'elle doit être dans l'opposition depuis 2007, que les intervenants à la convention nationale ont mis en tête de gondole de leur programme pour 2012, la fin du grand satan, symbolisé par la durée légale du travail à 35H00.

Il est dommage que ces beaux esprits, Hervé Novelli en tête n'aient pas été présents ce matin au Forum Emploi organisé par Pôle Emploi et qui se tenait dans ma commune.

Ils auraient pu y rencontrer des personnes à la recherche d'un emploi ou de quelques heures à glaner, pour leur permettre de simplement payer leur loyer, et se nourrir. Et surtout qui n'aspirent qu' à travailler 35H00. Comme plus de 4,5 millions de frrançais d'ailleurs !

Ils auraient pu constater aussi l'absence des représentants du Medef local qui 3H00 après l'ouverture du forum n'était pas encore arrivé. Mais dans la mesure où l'UMP est le porteur des demandes du Medef,
consistant notamment à négocier le temps de travail, ce qui éviterait de payer des heures supplémentaires et d'embaucher de nouveaux salariés, pourquoi perdre du temps à venir regarder quelques centaines de demandeurs d'emplois ?

Cependant, alors que Copé, Kosciusko-Morizet, Daubresse, Novelli proposaient : le courage comme seule réponse efficace contre le chômage et laissent entendre que ceux qui disposent d'un CDI sont des « privilègiés » on tenait un discours bien différent à l'Elysée !

En effet, comme l'explique Le Point : « (...) la réforme des 35 heures pourrait bien finir au placard. Nicolas Sarkozy n'entend pas reprendre cette proposition à son compte. C'est ce qu'il a signifié lundi soir au patron du parti majoritaire Jean-François Copé, et à Bruno Le Maire, le responsable du projet, lors d'une réunion d'arbitrage du projet à l'Élysée (...) Même si le président n'a pas souhaité aller jusqu'au veto, l'Élysée confirme son scepticisme. "Nicolas Sarkozy est inquiet au sujet des allègements des charges", explique un conseiller du président. Ces allègements sont censés compenser le surcoût des 35 heures pour les entreprises et protéger les emplois non qualifiés. S'ils étaient supprimés, "cela reviendrait à augmenter le coût du travail et risquerait d'entraîner une hausse du chômage (...) »

Ce qui revient à dire que le concours de celui ou celle qui dit le plus de mal de la durée légale du travail à 35H00 auquel se sont livrés hier soir les responsables de l'UMP n'avait aucune valeur. Du moins pour l'instant.

Mais ce revirement pourrait bien avoir d'autres raisons

Dans un premier temps, nous apprend l'AFP : « (...) La croissance du volume d'heures supplémentaires a ralenti au troisième trimestre (...) Le nombre d'heures supplémentaires progresse de 1,1% sur un an, affichant ainsi un net ralentissement par rapport aux trimestres précédents : respectivement +5,8% et +6,3% aux premier et deuxième trimestres (...) et que : (...) l'Acoss souligne que les déclarations d'embauches de plus d'un mois (hors intérim) ont reculé de 5,5% en octobre après un repli de 2% en septembre (...) »

Ensuite parce que, comme l'expliquait Philippe Cohen sur Marianne2, dans la mesure où la négociation branche par branche et entreprises par entreprises aurait lieu : « On souhaite bonne chance aux négociateurs qui n'auront pas grand chose à proposer en échange du renoncement à l'avantage concédé en 1997 » et pourrait aboutir à un climat propice à l'explosion sociale décrite par Entreprise & Personnel , le think tank des DRH en octobre dernier

Et enfin, parce que les français sont encore majoritairement opposés à la fin des 35H00 ! Et comme l'indiquait une enquête IFOP : « (...) 57% des salariés du secteur privé sont opposés à une abrogation (...) », il y aurait un gros risque à proposer la suppression des 35H00, dans un programme électoral !

Néanmoins, rien n'empêchera Nicolas Sarkozy s'il est élu et dispose d'une majorité à l'Assemblée Nationale de lancer un « Grenelle du temps de travail » qui aboutirait sans nul doute à une sortie des 35 heures, branche par branche, et entreprises par entreprises réclamée à cor et à cri ... par le Medef et l'Afep au profit de ... pas de durée légale du tout, sans la moindre heure supplémentaire !

Oui, mais d'abord, il faut gagner et comme les promesses n'engagent que ceux qui y croient ....

Slovar
Crédit et copyright photo
Europe1

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22 novembre 2011 2 22 /11 /novembre /2011 16:02
La France n’existera plus en 2022 ? - Propos sur la désintégration sociale

La France existera-t-elle encore comme la nation telle qu’on la connaît depuis des décennies, avec une démocratie, des institutions républicaines et surtout un cadre de vie que bien des pays nous envient ? Cette question se pose et bien évidemment, la France n’aura pas disparu en 2022. Elle conservera son territoire, avec une unité culturelle et linguistique, mais elle risque de ne plus exister comme un ensemble républicain.

 

Elle pourrait bien se désintégrer, sans qu’on sache à quoi pourrait ressembler un pays désintégré. Pour l’instant, la France subit une fracture sociale. Qui remonte à au moins 20 ans. C’était d’ailleurs le thème de campagne de Jacques Chirac en 1995. En 1998, quelques commentateurs imprudents se sont un peu trop vite réjouit de la victoire des blacks blancs beurs lors de la coupe du monde.

 

La fracture sociale est restée et s’est même accentuée ces dix dernières années. Pourtant, la société a montré une résilience considérable si bien qu’on peut légitimement penser que cette situation puisse durer encore des décennies. A l’inverse, un sociologue comme Alain Touraine, un type sérieux, pas vraiment drôle sur les plateaux télé, s’est interrogé depuis des années sur notre capacité à vivre ensemble et à maintenir le modèle républicain et social. Et donc, la question fait débat. Je propose ici de réfléchir à ce qui est non pas un modèle mais un concept, celui de désintégration sociale. Souvent le réel dépasse le concept et le modèle, aussi on lira ces lignes comme un propos de sociologie fiction.

  

Pour concevoir la désintégration sociale, il nous faut comprendre quels sont les ressorts de la cohésion sociale et de son opposé, la désagrégation. Autrement dit, ce qui lie ou dissocie les hommes. Et pour commencer, pourquoi ne pas observer le règne animal. On constate alors le mode de vie solitaire chez certaines espèces, alors que d’autres montrent ces comportements d’ensemble aux formes très complexes, comme chez les insectes sociaux. Plus proches de nous, les oiseaux offrent le spectacle d’un vol solitaire lorsqu’il s’agit d’un rapace, ou d’un déplacement coordonné, notamment chez les migrateurs. Les mammifères offrent aussi le spectacle d’une vie menée en solitaire ou dans un troupeau, d’éléphants, de gazelles, etc. Sauf exception, on ne verra pas des animaux développer une vie sociale s’ils sont d’espèces différentes. Sauf dans le cas d’animaux élevés par l’homme. Nous avons tous en tête ces images populaires appréciées des bêtisiers de télé où l’on voit un cheval jouer avec un chien, ou un lapin avec un chat, ou je ne sais quelle autre combinaison. Si c’est le cas, c’est parce que l’animal est domestiqué, qu’il a perdu une partie de son instinct sauvage. Le berger sait faire tenir ensemble les quelques chiens avec le troupeau de moutons. Et maintenant, si on transpose à l’homme, quel sera l’équivalent du berger qui fait tenir les hommes ensemble ? Les familiers de l’œuvre de Platon verront dans cette question une réplique du procédé employé dans le dialogue sur le Politique où Platon s’interroge sur les caractéristiques d’un roi idéal amené à gouverner au mieux les hommes. Dialogue où apparaît le mythe du pasteur divin, sorte de berger nourricier que les hommes accepteront comme gouverneur. Dans un fameux dialogue, Socrate et l’Etranger jouent de cette allégorie de l’homme possédant cet art de prendre soin du troupeau et dont la figure transfigurée et divinisée servirait de point de départ à la conception du roi (275). Pour ne pas égarer le lecteur je vais aller au bout de ma conclusion. Il existe certainement quelque chose qui fait tenir les hommes ensembles. En fait, une combinaison de facteurs différents. Ibn Khaldûn évoquait l’asabya, l’esprit de corps, ce ciment qui rend solidaire les membres d’une tribu. Si on considère une société complexe comme la notre, le ciment social est multiple, composé d’institutions, de gouvernance, de services publics mais aussi de facteurs plus insaisissables comme le désir de vivre ensemble et l’intérêt partagé à vivre ensemble. 

  

Les puissances liantes sont multiples. L’esprit républicain devrait faire tenir ensemble tous les membres, alors que d’autres facteurs réunissent des secteurs du corps social, avec des liaisons plus ou moins forte, réseaux, anciens de, amateurs de, membres d’une communauté. Suite aux discussions menées lors d’un café philo sur la société fragmentée, il est apparu clairement que les ressorts sociaux liants et déliants appartiennent à deux catégories, d’abord le matériel, les conditions économiques, les revenus, ensuite, les facteurs plus spirituels et notamment le désir de faire société, d’être ensemble. Une société intégrée repose sur l’association de ces deux facteurs. L’explication marxiste sur les conditions économiques ne représente que la moitié de la réponse. Certes les conditions matérielles favorisent la vie civile mais encore faut-il que les individus aient la volonté de vivre ensemble. La dégradation des conditions matérielles est un facteur de désintégration sociale. L’exemple des immigrés italiens et polonais dans les années 1930 est édifiant. Ces travailleurs avaient vocation à s’intégrer mais compte tenu de la crise économique, les tensions se manifestèrent. Italiens et Polonais furent accusés par la populace de venir prendre le pain aux Français. Un défaut dans les conditions matérielles occasionne bien souvent les tendances à la désintégration. Un excès aussi, si l’on observe la sécession des très riches. L’impact des médias est lui aussi contrasté. La multiplication des formes culturelles diffusées peut engendrer un désir de partage ou à l’inverse une tendance à s’isoler en communauté, groupe d’intérêt, tribu.

 

 Le médiatique a sans doute un impact sur le narcissisme, phénomène très contemporain associé à l’individualisme et favorisant le repli sur un univers fait d’images renvoyées par les autres servant de miroir. Le narcissique s’intéresse beaucoup à sa personne et va forcément vers ceux qui partagent avec lui cet intérêt alors qu’en retour il joue le jeu et se prête au jeu du miroir. Publicité et propagande ont dissout l’homme individué pour faire place à un individualisme fait d’artifice et de narcissisme. L’individu narcissique ne fait pas société. Peut-être que d’autres facteurs très contemporains pallient à ce déficit de sociabilité. Des choses toutes aussi artificielles mais capables de souder les gens, comme les réseaux sociaux ou le culte des stars, piètre mais efficace substitut à la religion. N’oublions pas que les célébrités font des apparitions. Et que les médias sont des lieux épiphaniques.

  

Maintenant, on peut regarder la réalité en face. Et pointer une tendance forte, celle de la résilience. Prenons l’Espagne, pays avec plus de 20% de chômage. Le mouvement des indignés s’est manifesté mais comme le dit la bonne formule, la majorité silencieuse est résignée. N’oublions pas qu’une grande majorité d’Espagnols sont propriétaires de leur logement (les autres expulsables aurait dit Coluche) et que les solidarités familiales sont puissantes. Les populations ont acquis une capacité étonnante à accepter la baisse du niveau de vie en étant persuadées que c’est la seule voie. La France est en état de fracture sociale depuis deux décennies et elle n’a pas vacillé. On peut égrener interminablement les indices en faveur d’une résilience sociale face à la crise.

  

Passons maintenant aux facteurs de désintégration. On les a esquissés sommairement et aux aussi peuvent être égrenés interminablement. Mais globalement, trois facteurs imbriqués menacent la cohésion sociale. Les inégalités, le chômage et la baisse du niveau de vie. La société française va devoir affronter une situation qui dans dix ans, risque d’être explosive. Si le scénario à la japonaise se confirme, le chômage réel va suivre une courbe ascendante et la France pourrait cumuler dix ans de sous-emploi massif avec au bout près d’un Français sur cinq privé d’un emploi permettant de mener une vie décente. Les services, basiques risquent d’augmenter, avec les produits de première nécessité. Il faut également prendre acte de la croissance de la Chine qui aura doublé son PIB en 2022. L’Inde, le Brésil et d’autres pays ne seront pas loin. Dans un tel contexte, le baril risque d’atteindre des sommets et le carburant pour se chauffer ou se déplacer va flamber.

 

Ajoutons les dépenses de santé croissantes, la démographie et ses vieux, alzheimer, parkinson, cancer, organismes dégradés… et puis, la technologie qui « bouffe » de plus en plus de fric, la bureaucratie et là, ce pourrait devenir invivable pour près d’un Français sur deux qui travaillera dans des conditions difficiles pour payer ses impôts, son chauffage, son loyer, son carburant, ses tas de dépenses incompressibles et à la fin, plus un sous pour un petit plaisir, ciné, resto, détente, voyage… Bref, une vie invivable attend bon nombre de nos concitoyens et à moins que les gens ne trouvent cette situation normale, on ne voit pas comment échapper à la désintégration sociale. A moins que la capacité de résilience associée à une politique de salut public ne permette de passer le cap de 2022.

  

Admettons que ce soit le cas, la France de 2022 risque de ressembler de moins en moins à celle de 1960 et 1970. Une France désintégrée, de citoyens zombifiés, greffés aux machines, aux portables, aux tablettes, aux écrans tactiles, pourrait en résulter et afficher une relative stabilité. La raison et la liberté seraient alors remplacée par une sorte d’instinct technologique. En exagérant le propos on pourrait suggérer que la France des hommes ferait place à la France des fantômes, sorte de créatures mi-humaines, mi-technologiques mues par les fils invisibles de la vie mécanique. Un pays de marionnettes emprisonnées dans leur autisme narcissique qui à l’instar des détenus à qui l’on accorde une promenade de deux heures, vont se déhancher dans des boîtes à musique en écoutant du Getta, telles des figurines animées enfermés dans des camps de la vie. La société désintégrée reste en dernier ressort une société de masse. Réglée non pas d’une manière centralisée comme au vieux temps du national-socialisme mais organisées par un dispositif décentré, périphérique, polycentrique. 

  

Société désintégrée ou plutôt désaccordée. Le « lien social », ce substitut au pasteur platonicien ou à l’asabya ou au ressort de Montesquieu ou encore à l’esprit de la nation selon Renan, serait délié, désubstantifié, au profit d’une solidarité mécanique, reposant sur des connivences d’intérêts matériels, sur de la technologie, sur une surveillance policière très développée. Bref, rien de neuf, ce modèle de société peu engageant reviendra de manière récurrente dès lors que l’esprit déroulera les analyses sur l’évolution du monde contemporain. Ce type de société arrange en fait les « directeurs du système ». L’individu devenu pièce d’un lego industriel et social se prête comme chair corvéable aux intentions de la gouvernance, des profits, des centres de commande, dans les bureaux, les banques, les grandes industries. Les maîtres du système ont intérêt à façonner les vies mécanisées des populations.

  

Alors, de quoi sera fait l’avenir ? Une société minée par les tendances à la désintégration peut se révolter, ou se résigner ? Nous ne savons pas comment un ensemble aussi complexe que la France des années 2010 réagira à la persistance de la crise sociale. Les Français pourraient très bien se résigner. Personne n’avait prévu les événements de 1968 dans un pays en pleine croissance et sans chômage. Une France percluse d’inégalités et de précarité pourrait accepter la situation et ce serait aussi un phénomène imprévisible.

Bernard Dugué

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22 novembre 2011 2 22 /11 /novembre /2011 15:39

Les cadeaux de Takieddine


Ziad Takieddine est un homme précieux. Ancien directeur salarié de la station de sports d'hiver Isola 2000, il a fait grande fortune dans les années quatre-vingt-dix grâce à quelques relations et de gros contrats d'armements. Quand on parle de grande fortune, on pense en fait à d'immenses fortunes, quelque chose qui dépasse l'entendement des citoyens normaux.

Depuis l'été dernier, nous avons beaucoup appris sur Ziad Takieddine. Le site Mediapart a lâché toutes sortes de révélations plus troublantes les unes que les autres: l'homme, proche de Jean-François Copé depuis 2001, n'a jamais payé d'impôt ni sur le revenu ni sur le patrimoine malgré une fortune qui se chiffre en dizaines de millions d'euros acquise grâce à des contrats d'armements français; Copé, quand débuta cette fabuleuse exonération fiscale, était à la fois ministre du Budget et fréquent invité de Takieddine, dans ses villas à Antibes ou à Beyrouth, yacht, ou piscine, ou des voyages à Londres, Venises ou au Liban. «J’ignorais évidemment que Takieddine ne payait pas d’impôts! » s'est défendu Copé. Evidemment.

Il a divorcé de sa femme en août, une opération qui a permis d'en apprendre davantage, et notamment sur son enrichissement personnel à partir de 1993. Ces dernières semaines, acculé par une mise en examen pour abus de bien sociaux et de nombreuses auditions, l'homme d'affaires a fini par progressivement céder. 

Jean-François Copé confirmait il y a peu que Ziad Takieddine était son ami: « J’ai toujours assumé mes amitiés, je suis quelqu’un de très droit, très profond, très sincère » disait-il jeudi 17 novembre sur France 2. Il n'avait pas vraiment le choix. On l'a vu tout l'été en compagnie de l'homme d'affaire dans de nombreux clichés publiés par Mediapart.

Mais cette fois-ci, l'accusation franchit un cap.

1. Dimanche 20 novembre, le JDD publiait le procès-verbal de l'audition d'un témoin anonyme devant le juge Renaud van Ruymbeke. Ce témoin accuse Jean-François Copé d'avoir perçu de Ziad Takieddine de quoi règler les travaux d'aménagement d'un appartement de 160 mètres carrés acquis en 2004, rue Raynouard, pour 1,1 million d'euros: « Pour acheter ce bien, M. Copé aurait fait un prêt bancaire sur vingt ans. Par contre, M. Takieddine aurait remis de l’argent liquide à M. Copé pour l’achat et la rénovation ». L'ancien ministre s'est énervé: « On vient me rattacher à une histoire que je n'ai jamais vécue. Tout est bidon » a-t-il dénoncé à l'AFP dès dimanche. Et son ami Takieddine a complété: «Tout ça c'est de l'affabulation. Où sont les preuves ? ».

2. Selon le JDD, les juges enquêtent aussi sur un prétendu compte suisse « ouvert en juillet 2005 par la sœur du maire de Meaux et qui aurait été susceptible de lui servir de "compte de passage"». Copé a confirmé l'existence du compte mais nié en bloc toute malversation: « Tout cela est monstrueux et totalement faux! C’est n’importe quoi. Il n’a jamais été question d’argent entre Ziad Takieddine et moi, et je ne suis pas au courant d’un éventuel compte suisse de ma sœur. Vous me l’apprenez »

3. Mardi 22 novembre, ce témoin anonyme est sorti de son anonymat, il s'agit de Jean-Charles Brisard, un « consultant international » (précisent Match et Arrêt sur Images). Il réfute avoir accusé Copé d'utiliser un compte suisse (dont il confirme cependant l'existence) ni d'avoir touché de l'argent liquide de Ziad Takieddine pour financer les travaux de son nouvel appartement en 2004 (Mise à jour 12h45). Jean-Charles Brisard était un ancien responsable des jeunesses Balladuriennes pendant la campagne de 1995. Son nom a récemment fait surface dans l'affaire du Karachigate.

4. Dans la même période, un autre cadre de l'UMP, haut-fonctionnaire des douanes, fréquentait Ziad Takieddine qui, décidément, avait un carnet d'adresses bien fournis. Pierre-Mathieu Duhamel a été photographié en juillet 2002 sur le yacht de Takieddine, La Diva, fêtant sa récente Légion d'Honneur. Il était en compagnie de Thierry Gaubert, l'ami de Nicolas Sarkozy récemment mis en examen pour abus de biens sociaux dans le volet financier de l'affaire Karachi.  Pierre-Mathieu Duhamel avait commencé sa carrière de haut-fonctionnaire au Budget avant d'échouer dans les Hauts-de-Seine version Pasqua après la défaite de la droite en 1988, puis revenir directeur adjoint de cabinet d'Alain Juppé en 1995, puis Directeur général des douanes et droits indirects et secrétaire général de Tracfin, le service anti-blanchiment du ministère des finances de 1996 à 1999. Actuellement président du comité stratégique du géant de l'audit KPMG, il est passé par LVMH où Nicolas Bazire, ancien directeur de cabinet d'Edouard Balladur (également mis en examen dans l'affaire Karachi) émargeait depuis l'échec balladurien en 1995. L'homme s'est presque excusé auprès de Mediapart: « J'ai été imprudent, je veux bien concéder ça. Léger aussi, peut-être, mais ces photos sur un bateau ne font pas de moi un intime de M. Takieddine.»

Entre 2002, date de sa nomination comme Directeur du Budget, et jusqu'en 2006 au moins, Duhamel « a accepté d'autres invitations de M. Takieddine, qui dissimulait alors la totalité de ses propriétés au fisc » a révélé Mediapart. 

Résumons-nous:
1. Depuis 2002, Ziad Takieddine, qui a fait notamment fortune grâce à son rôle d'intermédiaire dans la conclusion de ventes d'armes français, ne paye aucun impôt en France.
2. Depuis 2002, il est devenu l'ami proche de Jean-François Copé qui deviendra lui-même ministre du Budget à compter de 2004.
3. Depuis 2002, il fréquente le Directeur du Budget du ministre de l'Economie.


Qui dit mieux ?

Juan Sarkofrance

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22 novembre 2011 2 22 /11 /novembre /2011 13:38

Les cadeaux de Takieddine


Ziad Takieddine est un homme précieux. Ancien directeur salarié de la station de sports d'hiver Isola 2000, il a fait grande fortune dans les années quatre-vingt-dix grâce à quelques relations et de gros contrats d'armements. Quand on parle de grande fortune, on pense en fait à d'immenses fortunes, quelque chose qui dépasse l'entendement des citoyens normaux.

Depuis l'été dernier, nous avons beaucoup appris sur Ziad Takieddine. Le site Mediapart a lâché toutes sortes de révélations plus troublantes les unes que les autres: l'homme, proche de Jean-François Copé depuis 2001, n'a jamais payé d'impôt ni sur le revenu ni sur le patrimoine malgré une fortune qui se chiffre en dizaines de millions d'euros acquise grâce à des contrats d'armements français; Copé, quand débuta cette fabuleuse exonération fiscale, était à la fois ministre du Budget et fréquent invité de Takieddine, dans ses villas à Antibes ou à Beyrouth, yacht, ou piscine, ou des voyages à Londres, Venises ou au Liban. «J’ignorais évidemment que Takieddine ne payait pas d’impôts! » s'est défendu Copé. Evidemment.

Il a divorcé de sa femme en août, une opération qui a permis d'en apprendre davantage, et notamment sur son enrichissement personnel à partir de 1993. Ces dernières semaines, acculé par une mise en examen pour abus de bien sociaux et de nombreuses auditions, l'homme d'affaires a fini par progressivement céder. 

Jean-François Copé confirmait il y a peu que Ziad Takieddine était son ami: « J’ai toujours assumé mes amitiés, je suis quelqu’un de très droit, très profond, très sincère » disait-il jeudi 17 novembre sur France 2. Il n'avait pas vraiment le choix. On l'a vu tout l'été en compagnie de l'homme d'affaire dans de nombreux clichés publiés par Mediapart.

Mais cette fois-ci, l'accusation franchit un cap.

1. Dimanche 20 novembre, le JDD publiait le procès-verbal de l'audition d'un témoin anonyme devant le juge Renaud van Ruymbeke. Ce témoin accuse Jean-François Copé d'avoir perçu de Ziad Takieddine de quoi règler les travaux d'aménagement d'un appartement de 160 mètres carrés acquis en 2004, rue Raynouard, pour 1,1 million d'euros: « Pour acheter ce bien, M. Copé aurait fait un prêt bancaire sur vingt ans. Par contre, M. Takieddine aurait remis de l’argent liquide à M. Copé pour l’achat et la rénovation ». L'ancien ministre s'est énervé: « On vient me rattacher à une histoire que je n'ai jamais vécue. Tout est bidon » a-t-il dénoncé à l'AFP dès dimanche. Et son ami Takieddine a complété: «Tout ça c'est de l'affabulation. Où sont les preuves ? ».

2. Selon le JDD, les juges enquêtent aussi sur un prétendu compte suisse « ouvert en juillet 2005 par la sœur du maire de Meaux et qui aurait été susceptible de lui servir de "compte de passage"». Copé a confirmé l'existence du compte mais nié en bloc toute malversation: « Tout cela est monstrueux et totalement faux! C’est n’importe quoi. Il n’a jamais été question d’argent entre Ziad Takieddine et moi, et je ne suis pas au courant d’un éventuel compte suisse de ma sœur. Vous me l’apprenez »

3. Mardi 22 novembre, ce témoin anonyme est sorti de son anonymat, il s'agit de Jean-Charles Brisard, un « consultant international » (précisent Match et Arrêt sur Images). Il réfute avoir accusé Copé d'utiliser un compte suisse (dont il confirme cependant l'existence) ni d'avoir touché de l'argent liquide de Ziad Takieddine pour financer les travaux de son nouvel appartement en 2004 (Mise à jour 12h45). Jean-Charles Brisard était un ancien responsable des jeunesses Balladuriennes pendant la campagne de 1995. Son nom a récemment fait surface dans l'affaire du Karachigate.

4. Dans la même période, un autre cadre de l'UMP, haut-fonctionnaire des douanes, fréquentait Ziad Takieddine qui, décidément, avait un carnet d'adresses bien fournis. Pierre-Mathieu Duhamel a été photographié en juillet 2002 sur le yacht de Takieddine, La Diva, fêtant sa récente Légion d'Honneur. Il était en compagnie de Thierry Gaubert, l'ami de Nicolas Sarkozy récemment mis en examen pour abus de biens sociaux dans le volet financier de l'affaire Karachi.  Pierre-Mathieu Duhamel avait commencé sa carrière de haut-fonctionnaire au Budget avant d'échouer dans les Hauts-de-Seine version Pasqua après la défaite de la droite en 1988, puis revenir directeur adjoint de cabinet d'Alain Juppé en 1995, puis Directeur général des douanes et droits indirects et secrétaire général de Tracfin, le service anti-blanchiment du ministère des finances de 1996 à 1999. Actuellement président du comité stratégique du géant de l'audit KPMG, il est passé par LVMH où Nicolas Bazire, ancien directeur de cabinet d'Edouard Balladur (également mis en examen dans l'affaire Karachi) émargeait depuis l'échec balladurien en 1995. L'homme s'est presque excusé auprès de Mediapart: « J'ai été imprudent, je veux bien concéder ça. Léger aussi, peut-être, mais ces photos sur un bateau ne font pas de moi un intime de M. Takieddine.»

Entre 2002, date de sa nomination comme Directeur du Budget, et jusqu'en 2006 au moins, Duhamel « a accepté d'autres invitations de M. Takieddine, qui dissimulait alors la totalité de ses propriétés au fisc » a révélé Mediapart. 

Résumons-nous:
1. Depuis 2002, Ziad Takieddine, qui a fait notamment fortune grâce à son rôle d'intermédiaire dans la conclusion de ventes d'armes français, ne paye aucun impôt en France.
2. Depuis 2002, il est devenu l'ami proche de Jean-François Copé qui deviendra lui-même ministre du Budget à compter de 2004.
3. Depuis 2002, il fréquente le Directeur du Budget du ministre de l'Economie.


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Juan Sarkofrance

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22 novembre 2011 2 22 /11 /novembre /2011 13:38

Les cadeaux de Takieddine


Ziad Takieddine est un homme précieux. Ancien directeur salarié de la station de sports d'hiver Isola 2000, il a fait grande fortune dans les années quatre-vingt-dix grâce à quelques relations et de gros contrats d'armements. Quand on parle de grande fortune, on pense en fait à d'immenses fortunes, quelque chose qui dépasse l'entendement des citoyens normaux.

Depuis l'été dernier, nous avons beaucoup appris sur Ziad Takieddine. Le site Mediapart a lâché toutes sortes de révélations plus troublantes les unes que les autres: l'homme, proche de Jean-François Copé depuis 2001, n'a jamais payé d'impôt ni sur le revenu ni sur le patrimoine malgré une fortune qui se chiffre en dizaines de millions d'euros acquise grâce à des contrats d'armements français; Copé, quand débuta cette fabuleuse exonération fiscale, était à la fois ministre du Budget et fréquent invité de Takieddine, dans ses villas à Antibes ou à Beyrouth, yacht, ou piscine, ou des voyages à Londres, Venises ou au Liban. «J’ignorais évidemment que Takieddine ne payait pas d’impôts! » s'est défendu Copé. Evidemment.

Il a divorcé de sa femme en août, une opération qui a permis d'en apprendre davantage, et notamment sur son enrichissement personnel à partir de 1993. Ces dernières semaines, acculé par une mise en examen pour abus de bien sociaux et de nombreuses auditions, l'homme d'affaires a fini par progressivement céder. 

Jean-François Copé confirmait il y a peu que Ziad Takieddine était son ami: « J’ai toujours assumé mes amitiés, je suis quelqu’un de très droit, très profond, très sincère » disait-il jeudi 17 novembre sur France 2. Il n'avait pas vraiment le choix. On l'a vu tout l'été en compagnie de l'homme d'affaire dans de nombreux clichés publiés par Mediapart.

Mais cette fois-ci, l'accusation franchit un cap.

1. Dimanche 20 novembre, le JDD publiait le procès-verbal de l'audition d'un témoin anonyme devant le juge Renaud van Ruymbeke. Ce témoin accuse Jean-François Copé d'avoir perçu de Ziad Takieddine de quoi règler les travaux d'aménagement d'un appartement de 160 mètres carrés acquis en 2004, rue Raynouard, pour 1,1 million d'euros: « Pour acheter ce bien, M. Copé aurait fait un prêt bancaire sur vingt ans. Par contre, M. Takieddine aurait remis de l’argent liquide à M. Copé pour l’achat et la rénovation ». L'ancien ministre s'est énervé: « On vient me rattacher à une histoire que je n'ai jamais vécue. Tout est bidon » a-t-il dénoncé à l'AFP dès dimanche. Et son ami Takieddine a complété: «Tout ça c'est de l'affabulation. Où sont les preuves ? ».

2. Selon le JDD, les juges enquêtent aussi sur un prétendu compte suisse « ouvert en juillet 2005 par la sœur du maire de Meaux et qui aurait été susceptible de lui servir de "compte de passage"». Copé a confirmé l'existence du compte mais nié en bloc toute malversation: « Tout cela est monstrueux et totalement faux! C’est n’importe quoi. Il n’a jamais été question d’argent entre Ziad Takieddine et moi, et je ne suis pas au courant d’un éventuel compte suisse de ma sœur. Vous me l’apprenez »

3. Mardi 22 novembre, ce témoin anonyme est sorti de son anonymat, il s'agit de Jean-Charles Brisard, un « consultant international » (précisent Match et Arrêt sur Images). Il réfute avoir accusé Copé d'utiliser un compte suisse (dont il confirme cependant l'existence) ni d'avoir touché de l'argent liquide de Ziad Takieddine pour financer les travaux de son nouvel appartement en 2004 (Mise à jour 12h45). Jean-Charles Brisard était un ancien responsable des jeunesses Balladuriennes pendant la campagne de 1995. Son nom a récemment fait surface dans l'affaire du Karachigate.

4. Dans la même période, un autre cadre de l'UMP, haut-fonctionnaire des douanes, fréquentait Ziad Takieddine qui, décidément, avait un carnet d'adresses bien fournis. Pierre-Mathieu Duhamel a été photographié en juillet 2002 sur le yacht de Takieddine, La Diva, fêtant sa récente Légion d'Honneur. Il était en compagnie de Thierry Gaubert, l'ami de Nicolas Sarkozy récemment mis en examen pour abus de biens sociaux dans le volet financier de l'affaire Karachi.  Pierre-Mathieu Duhamel avait commencé sa carrière de haut-fonctionnaire au Budget avant d'échouer dans les Hauts-de-Seine version Pasqua après la défaite de la droite en 1988, puis revenir directeur adjoint de cabinet d'Alain Juppé en 1995, puis Directeur général des douanes et droits indirects et secrétaire général de Tracfin, le service anti-blanchiment du ministère des finances de 1996 à 1999. Actuellement président du comité stratégique du géant de l'audit KPMG, il est passé par LVMH où Nicolas Bazire, ancien directeur de cabinet d'Edouard Balladur (également mis en examen dans l'affaire Karachi) émargeait depuis l'échec balladurien en 1995. L'homme s'est presque excusé auprès de Mediapart: « J'ai été imprudent, je veux bien concéder ça. Léger aussi, peut-être, mais ces photos sur un bateau ne font pas de moi un intime de M. Takieddine.»

Entre 2002, date de sa nomination comme Directeur du Budget, et jusqu'en 2006 au moins, Duhamel « a accepté d'autres invitations de M. Takieddine, qui dissimulait alors la totalité de ses propriétés au fisc » a révélé Mediapart. 

Résumons-nous:
1. Depuis 2002, Ziad Takieddine, qui a fait notamment fortune grâce à son rôle d'intermédiaire dans la conclusion de ventes d'armes français, ne paye aucun impôt en France.
2. Depuis 2002, il est devenu l'ami proche de Jean-François Copé qui deviendra lui-même ministre du Budget à compter de 2004.
3. Depuis 2002, il fréquente le Directeur du Budget du ministre de l'Economie.


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22 novembre 2011 2 22 /11 /novembre /2011 13:38

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Ziad Takieddine est un homme précieux. Ancien directeur salarié de la station de sports d'hiver Isola 2000, il a fait grande fortune dans les années quatre-vingt-dix grâce à quelques relations et de gros contrats d'armements. Quand on parle de grande fortune, on pense en fait à d'immenses fortunes, quelque chose qui dépasse l'entendement des citoyens normaux.

Depuis l'été dernier, nous avons beaucoup appris sur Ziad Takieddine. Le site Mediapart a lâché toutes sortes de révélations plus troublantes les unes que les autres: l'homme, proche de Jean-François Copé depuis 2001, n'a jamais payé d'impôt ni sur le revenu ni sur le patrimoine malgré une fortune qui se chiffre en dizaines de millions d'euros acquise grâce à des contrats d'armements français; Copé, quand débuta cette fabuleuse exonération fiscale, était à la fois ministre du Budget et fréquent invité de Takieddine, dans ses villas à Antibes ou à Beyrouth, yacht, ou piscine, ou des voyages à Londres, Venises ou au Liban. «J’ignorais évidemment que Takieddine ne payait pas d’impôts! » s'est défendu Copé. Evidemment.

Il a divorcé de sa femme en août, une opération qui a permis d'en apprendre davantage, et notamment sur son enrichissement personnel à partir de 1993. Ces dernières semaines, acculé par une mise en examen pour abus de bien sociaux et de nombreuses auditions, l'homme d'affaires a fini par progressivement céder. 

Jean-François Copé confirmait il y a peu que Ziad Takieddine était son ami: « J’ai toujours assumé mes amitiés, je suis quelqu’un de très droit, très profond, très sincère » disait-il jeudi 17 novembre sur France 2. Il n'avait pas vraiment le choix. On l'a vu tout l'été en compagnie de l'homme d'affaire dans de nombreux clichés publiés par Mediapart.

Mais cette fois-ci, l'accusation franchit un cap.

1. Dimanche 20 novembre, le JDD publiait le procès-verbal de l'audition d'un témoin anonyme devant le juge Renaud van Ruymbeke. Ce témoin accuse Jean-François Copé d'avoir perçu de Ziad Takieddine de quoi règler les travaux d'aménagement d'un appartement de 160 mètres carrés acquis en 2004, rue Raynouard, pour 1,1 million d'euros: « Pour acheter ce bien, M. Copé aurait fait un prêt bancaire sur vingt ans. Par contre, M. Takieddine aurait remis de l’argent liquide à M. Copé pour l’achat et la rénovation ». L'ancien ministre s'est énervé: « On vient me rattacher à une histoire que je n'ai jamais vécue. Tout est bidon » a-t-il dénoncé à l'AFP dès dimanche. Et son ami Takieddine a complété: «Tout ça c'est de l'affabulation. Où sont les preuves ? ».

2. Selon le JDD, les juges enquêtent aussi sur un prétendu compte suisse « ouvert en juillet 2005 par la sœur du maire de Meaux et qui aurait été susceptible de lui servir de "compte de passage"». Copé a confirmé l'existence du compte mais nié en bloc toute malversation: « Tout cela est monstrueux et totalement faux! C’est n’importe quoi. Il n’a jamais été question d’argent entre Ziad Takieddine et moi, et je ne suis pas au courant d’un éventuel compte suisse de ma sœur. Vous me l’apprenez »

3. Mardi 22 novembre, ce témoin anonyme est sorti de son anonymat, il s'agit de Jean-Charles Brisard, un « consultant international » (précisent Match et Arrêt sur Images). Il réfute avoir accusé Copé d'utiliser un compte suisse (dont il confirme cependant l'existence) ni d'avoir touché de l'argent liquide de Ziad Takieddine pour financer les travaux de son nouvel appartement en 2004 (Mise à jour 12h45). Jean-Charles Brisard était un ancien responsable des jeunesses Balladuriennes pendant la campagne de 1995. Son nom a récemment fait surface dans l'affaire du Karachigate.

4. Dans la même période, un autre cadre de l'UMP, haut-fonctionnaire des douanes, fréquentait Ziad Takieddine qui, décidément, avait un carnet d'adresses bien fournis. Pierre-Mathieu Duhamel a été photographié en juillet 2002 sur le yacht de Takieddine, La Diva, fêtant sa récente Légion d'Honneur. Il était en compagnie de Thierry Gaubert, l'ami de Nicolas Sarkozy récemment mis en examen pour abus de biens sociaux dans le volet financier de l'affaire Karachi.  Pierre-Mathieu Duhamel avait commencé sa carrière de haut-fonctionnaire au Budget avant d'échouer dans les Hauts-de-Seine version Pasqua après la défaite de la droite en 1988, puis revenir directeur adjoint de cabinet d'Alain Juppé en 1995, puis Directeur général des douanes et droits indirects et secrétaire général de Tracfin, le service anti-blanchiment du ministère des finances de 1996 à 1999. Actuellement président du comité stratégique du géant de l'audit KPMG, il est passé par LVMH où Nicolas Bazire, ancien directeur de cabinet d'Edouard Balladur (également mis en examen dans l'affaire Karachi) émargeait depuis l'échec balladurien en 1995. L'homme s'est presque excusé auprès de Mediapart: « J'ai été imprudent, je veux bien concéder ça. Léger aussi, peut-être, mais ces photos sur un bateau ne font pas de moi un intime de M. Takieddine.»

Entre 2002, date de sa nomination comme Directeur du Budget, et jusqu'en 2006 au moins, Duhamel « a accepté d'autres invitations de M. Takieddine, qui dissimulait alors la totalité de ses propriétés au fisc » a révélé Mediapart. 

Résumons-nous:
1. Depuis 2002, Ziad Takieddine, qui a fait notamment fortune grâce à son rôle d'intermédiaire dans la conclusion de ventes d'armes français, ne paye aucun impôt en France.
2. Depuis 2002, il est devenu l'ami proche de Jean-François Copé qui deviendra lui-même ministre du Budget à compter de 2004.
3. Depuis 2002, il fréquente le Directeur du Budget du ministre de l'Economie.


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Ziad Takieddine est un homme précieux. Ancien directeur salarié de la station de sports d'hiver Isola 2000, il a fait grande fortune dans les années quatre-vingt-dix grâce à quelques relations et de gros contrats d'armements. Quand on parle de grande fortune, on pense en fait à d'immenses fortunes, quelque chose qui dépasse l'entendement des citoyens normaux.

Depuis l'été dernier, nous avons beaucoup appris sur Ziad Takieddine. Le site Mediapart a lâché toutes sortes de révélations plus troublantes les unes que les autres: l'homme, proche de Jean-François Copé depuis 2001, n'a jamais payé d'impôt ni sur le revenu ni sur le patrimoine malgré une fortune qui se chiffre en dizaines de millions d'euros acquise grâce à des contrats d'armements français; Copé, quand débuta cette fabuleuse exonération fiscale, était à la fois ministre du Budget et fréquent invité de Takieddine, dans ses villas à Antibes ou à Beyrouth, yacht, ou piscine, ou des voyages à Londres, Venises ou au Liban. «J’ignorais évidemment que Takieddine ne payait pas d’impôts! » s'est défendu Copé. Evidemment.

Il a divorcé de sa femme en août, une opération qui a permis d'en apprendre davantage, et notamment sur son enrichissement personnel à partir de 1993. Ces dernières semaines, acculé par une mise en examen pour abus de bien sociaux et de nombreuses auditions, l'homme d'affaires a fini par progressivement céder. 

Jean-François Copé confirmait il y a peu que Ziad Takieddine était son ami: « J’ai toujours assumé mes amitiés, je suis quelqu’un de très droit, très profond, très sincère » disait-il jeudi 17 novembre sur France 2. Il n'avait pas vraiment le choix. On l'a vu tout l'été en compagnie de l'homme d'affaire dans de nombreux clichés publiés par Mediapart.

Mais cette fois-ci, l'accusation franchit un cap.

1. Dimanche 20 novembre, le JDD publiait le procès-verbal de l'audition d'un témoin anonyme devant le juge Renaud van Ruymbeke. Ce témoin accuse Jean-François Copé d'avoir perçu de Ziad Takieddine de quoi règler les travaux d'aménagement d'un appartement de 160 mètres carrés acquis en 2004, rue Raynouard, pour 1,1 million d'euros: « Pour acheter ce bien, M. Copé aurait fait un prêt bancaire sur vingt ans. Par contre, M. Takieddine aurait remis de l’argent liquide à M. Copé pour l’achat et la rénovation ». L'ancien ministre s'est énervé: « On vient me rattacher à une histoire que je n'ai jamais vécue. Tout est bidon » a-t-il dénoncé à l'AFP dès dimanche. Et son ami Takieddine a complété: «Tout ça c'est de l'affabulation. Où sont les preuves ? ».

2. Selon le JDD, les juges enquêtent aussi sur un prétendu compte suisse « ouvert en juillet 2005 par la sœur du maire de Meaux et qui aurait été susceptible de lui servir de "compte de passage"». Copé a confirmé l'existence du compte mais nié en bloc toute malversation: « Tout cela est monstrueux et totalement faux! C’est n’importe quoi. Il n’a jamais été question d’argent entre Ziad Takieddine et moi, et je ne suis pas au courant d’un éventuel compte suisse de ma sœur. Vous me l’apprenez »

3. Mardi 22 novembre, ce témoin anonyme est sorti de son anonymat, il s'agit de Jean-Charles Brisard, un « consultant international » (précisent Match et Arrêt sur Images). Il réfute avoir accusé Copé d'utiliser un compte suisse (dont il confirme cependant l'existence) ni d'avoir touché de l'argent liquide de Ziad Takieddine pour financer les travaux de son nouvel appartement en 2004 (Mise à jour 12h45). Jean-Charles Brisard était un ancien responsable des jeunesses Balladuriennes pendant la campagne de 1995. Son nom a récemment fait surface dans l'affaire du Karachigate.

4. Dans la même période, un autre cadre de l'UMP, haut-fonctionnaire des douanes, fréquentait Ziad Takieddine qui, décidément, avait un carnet d'adresses bien fournis. Pierre-Mathieu Duhamel a été photographié en juillet 2002 sur le yacht de Takieddine, La Diva, fêtant sa récente Légion d'Honneur. Il était en compagnie de Thierry Gaubert, l'ami de Nicolas Sarkozy récemment mis en examen pour abus de biens sociaux dans le volet financier de l'affaire Karachi.  Pierre-Mathieu Duhamel avait commencé sa carrière de haut-fonctionnaire au Budget avant d'échouer dans les Hauts-de-Seine version Pasqua après la défaite de la droite en 1988, puis revenir directeur adjoint de cabinet d'Alain Juppé en 1995, puis Directeur général des douanes et droits indirects et secrétaire général de Tracfin, le service anti-blanchiment du ministère des finances de 1996 à 1999. Actuellement président du comité stratégique du géant de l'audit KPMG, il est passé par LVMH où Nicolas Bazire, ancien directeur de cabinet d'Edouard Balladur (également mis en examen dans l'affaire Karachi) émargeait depuis l'échec balladurien en 1995. L'homme s'est presque excusé auprès de Mediapart: « J'ai été imprudent, je veux bien concéder ça. Léger aussi, peut-être, mais ces photos sur un bateau ne font pas de moi un intime de M. Takieddine.»

Entre 2002, date de sa nomination comme Directeur du Budget, et jusqu'en 2006 au moins, Duhamel « a accepté d'autres invitations de M. Takieddine, qui dissimulait alors la totalité de ses propriétés au fisc » a révélé Mediapart. 

Résumons-nous:
1. Depuis 2002, Ziad Takieddine, qui a fait notamment fortune grâce à son rôle d'intermédiaire dans la conclusion de ventes d'armes français, ne paye aucun impôt en France.
2. Depuis 2002, il est devenu l'ami proche de Jean-François Copé qui deviendra lui-même ministre du Budget à compter de 2004.
3. Depuis 2002, il fréquente le Directeur du Budget du ministre de l'Economie.


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Ziad Takieddine est un homme précieux. Ancien directeur salarié de la station de sports d'hiver Isola 2000, il a fait grande fortune dans les années quatre-vingt-dix grâce à quelques relations et de gros contrats d'armements. Quand on parle de grande fortune, on pense en fait à d'immenses fortunes, quelque chose qui dépasse l'entendement des citoyens normaux.

Depuis l'été dernier, nous avons beaucoup appris sur Ziad Takieddine. Le site Mediapart a lâché toutes sortes de révélations plus troublantes les unes que les autres: l'homme, proche de Jean-François Copé depuis 2001, n'a jamais payé d'impôt ni sur le revenu ni sur le patrimoine malgré une fortune qui se chiffre en dizaines de millions d'euros acquise grâce à des contrats d'armements français; Copé, quand débuta cette fabuleuse exonération fiscale, était à la fois ministre du Budget et fréquent invité de Takieddine, dans ses villas à Antibes ou à Beyrouth, yacht, ou piscine, ou des voyages à Londres, Venises ou au Liban. «J’ignorais évidemment que Takieddine ne payait pas d’impôts! » s'est défendu Copé. Evidemment.

Il a divorcé de sa femme en août, une opération qui a permis d'en apprendre davantage, et notamment sur son enrichissement personnel à partir de 1993. Ces dernières semaines, acculé par une mise en examen pour abus de bien sociaux et de nombreuses auditions, l'homme d'affaires a fini par progressivement céder. 

Jean-François Copé confirmait il y a peu que Ziad Takieddine était son ami: « J’ai toujours assumé mes amitiés, je suis quelqu’un de très droit, très profond, très sincère » disait-il jeudi 17 novembre sur France 2. Il n'avait pas vraiment le choix. On l'a vu tout l'été en compagnie de l'homme d'affaire dans de nombreux clichés publiés par Mediapart.

Mais cette fois-ci, l'accusation franchit un cap.

1. Dimanche 20 novembre, le JDD publiait le procès-verbal de l'audition d'un témoin anonyme devant le juge Renaud van Ruymbeke. Ce témoin accuse Jean-François Copé d'avoir perçu de Ziad Takieddine de quoi règler les travaux d'aménagement d'un appartement de 160 mètres carrés acquis en 2004, rue Raynouard, pour 1,1 million d'euros: « Pour acheter ce bien, M. Copé aurait fait un prêt bancaire sur vingt ans. Par contre, M. Takieddine aurait remis de l’argent liquide à M. Copé pour l’achat et la rénovation ». L'ancien ministre s'est énervé: « On vient me rattacher à une histoire que je n'ai jamais vécue. Tout est bidon » a-t-il dénoncé à l'AFP dès dimanche. Et son ami Takieddine a complété: «Tout ça c'est de l'affabulation. Où sont les preuves ? ».

2. Selon le JDD, les juges enquêtent aussi sur un prétendu compte suisse « ouvert en juillet 2005 par la sœur du maire de Meaux et qui aurait été susceptible de lui servir de "compte de passage"». Copé a confirmé l'existence du compte mais nié en bloc toute malversation: « Tout cela est monstrueux et totalement faux! C’est n’importe quoi. Il n’a jamais été question d’argent entre Ziad Takieddine et moi, et je ne suis pas au courant d’un éventuel compte suisse de ma sœur. Vous me l’apprenez »

3. Mardi 22 novembre, ce témoin anonyme est sorti de son anonymat, il s'agit de Jean-Charles Brisard, un « consultant international » (précisent Match et Arrêt sur Images). Il réfute avoir accusé Copé d'utiliser un compte suisse (dont il confirme cependant l'existence) ni d'avoir touché de l'argent liquide de Ziad Takieddine pour financer les travaux de son nouvel appartement en 2004 (Mise à jour 12h45). Jean-Charles Brisard était un ancien responsable des jeunesses Balladuriennes pendant la campagne de 1995. Son nom a récemment fait surface dans l'affaire du Karachigate.

4. Dans la même période, un autre cadre de l'UMP, haut-fonctionnaire des douanes, fréquentait Ziad Takieddine qui, décidément, avait un carnet d'adresses bien fournis. Pierre-Mathieu Duhamel a été photographié en juillet 2002 sur le yacht de Takieddine, La Diva, fêtant sa récente Légion d'Honneur. Il était en compagnie de Thierry Gaubert, l'ami de Nicolas Sarkozy récemment mis en examen pour abus de biens sociaux dans le volet financier de l'affaire Karachi.  Pierre-Mathieu Duhamel avait commencé sa carrière de haut-fonctionnaire au Budget avant d'échouer dans les Hauts-de-Seine version Pasqua après la défaite de la droite en 1988, puis revenir directeur adjoint de cabinet d'Alain Juppé en 1995, puis Directeur général des douanes et droits indirects et secrétaire général de Tracfin, le service anti-blanchiment du ministère des finances de 1996 à 1999. Actuellement président du comité stratégique du géant de l'audit KPMG, il est passé par LVMH où Nicolas Bazire, ancien directeur de cabinet d'Edouard Balladur (également mis en examen dans l'affaire Karachi) émargeait depuis l'échec balladurien en 1995. L'homme s'est presque excusé auprès de Mediapart: « J'ai été imprudent, je veux bien concéder ça. Léger aussi, peut-être, mais ces photos sur un bateau ne font pas de moi un intime de M. Takieddine.»

Entre 2002, date de sa nomination comme Directeur du Budget, et jusqu'en 2006 au moins, Duhamel « a accepté d'autres invitations de M. Takieddine, qui dissimulait alors la totalité de ses propriétés au fisc » a révélé Mediapart. 

Résumons-nous:
1. Depuis 2002, Ziad Takieddine, qui a fait notamment fortune grâce à son rôle d'intermédiaire dans la conclusion de ventes d'armes français, ne paye aucun impôt en France.
2. Depuis 2002, il est devenu l'ami proche de Jean-François Copé qui deviendra lui-même ministre du Budget à compter de 2004.
3. Depuis 2002, il fréquente le Directeur du Budget du ministre de l'Economie.


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22 novembre 2011 2 22 /11 /novembre /2011 13:27

Les cadeaux de Takieddine


Ziad Takieddine est un homme précieux. Ancien directeur salarié de la station de sports d'hiver Isola 2000, il a fait grande fortune dans les années quatre-vingt-dix grâce à quelques relations et de gros contrats d'armements. Quand on parle de grande fortune, on pense en fait à d'immenses fortunes, quelque chose qui dépasse l'entendement des citoyens normaux.

Depuis l'été dernier, nous avons beaucoup appris sur Ziad Takieddine. Le site Mediapart a lâché toutes sortes de révélations plus troublantes les unes que les autres: l'homme, proche de Jean-François Copé depuis 2001, n'a jamais payé d'impôt ni sur le revenu ni sur le patrimoine malgré une fortune qui se chiffre en dizaines de millions d'euros acquise grâce à des contrats d'armements français; Copé, quand débuta cette fabuleuse exonération fiscale, était à la fois ministre du Budget et fréquent invité de Takieddine, dans ses villas à Antibes ou à Beyrouth, yacht, ou piscine, ou des voyages à Londres, Venises ou au Liban. «J’ignorais évidemment que Takieddine ne payait pas d’impôts! » s'est défendu Copé. Evidemment.

Il a divorcé de sa femme en août, une opération qui a permis d'en apprendre davantage, et notamment sur son enrichissement personnel à partir de 1993. Ces dernières semaines, acculé par une mise en examen pour abus de bien sociaux et de nombreuses auditions, l'homme d'affaires a fini par progressivement céder. 

Jean-François Copé confirmait il y a peu que Ziad Takieddine était son ami: « J’ai toujours assumé mes amitiés, je suis quelqu’un de très droit, très profond, très sincère » disait-il jeudi 17 novembre sur France 2. Il n'avait pas vraiment le choix. On l'a vu tout l'été en compagnie de l'homme d'affaire dans de nombreux clichés publiés par Mediapart.

Mais cette fois-ci, l'accusation franchit un cap.

1. Dimanche 20 novembre, le JDD publiait le procès-verbal de l'audition d'un témoin anonyme devant le juge Renaud van Ruymbeke. Ce témoin accuse Jean-François Copé d'avoir perçu de Ziad Takieddine de quoi règler les travaux d'aménagement d'un appartement de 160 mètres carrés acquis en 2004, rue Raynouard, pour 1,1 million d'euros: « Pour acheter ce bien, M. Copé aurait fait un prêt bancaire sur vingt ans. Par contre, M. Takieddine aurait remis de l’argent liquide à M. Copé pour l’achat et la rénovation ». L'ancien ministre s'est énervé: « On vient me rattacher à une histoire que je n'ai jamais vécue. Tout est bidon » a-t-il dénoncé à l'AFP dès dimanche. Et son ami Takieddine a complété: «Tout ça c'est de l'affabulation. Où sont les preuves ? ».

2. Selon le JDD, les juges enquêtent aussi sur un prétendu compte suisse « ouvert en juillet 2005 par la sœur du maire de Meaux et qui aurait été susceptible de lui servir de "compte de passage"». Copé a confirmé l'existence du compte mais nié en bloc toute malversation: « Tout cela est monstrueux et totalement faux! C’est n’importe quoi. Il n’a jamais été question d’argent entre Ziad Takieddine et moi, et je ne suis pas au courant d’un éventuel compte suisse de ma sœur. Vous me l’apprenez »

3. Mardi 22 novembre, ce témoin anonyme est sorti de son anonymat, il s'agit de Jean-Charles Brisard, un « consultant international » (précisent Match et Arrêt sur Images). Il réfute avoir accusé Copé d'utiliser un compte suisse (dont il confirme cependant l'existence) ni d'avoir touché de l'argent liquide de Ziad Takieddine pour financer les travaux de son nouvel appartement en 2004 (Mise à jour 12h45). Jean-Charles Brisard était un ancien responsable des jeunesses Balladuriennes pendant la campagne de 1995. Son nom a récemment fait surface dans l'affaire du Karachigate.

4. Dans la même période, un autre cadre de l'UMP, haut-fonctionnaire des douanes, fréquentait Ziad Takieddine qui, décidément, avait un carnet d'adresses bien fournis. Pierre-Mathieu Duhamel a été photographié en juillet 2002 sur le yacht de Takieddine, La Diva, fêtant sa récente Légion d'Honneur. Il était en compagnie de Thierry Gaubert, l'ami de Nicolas Sarkozy récemment mis en examen pour abus de biens sociaux dans le volet financier de l'affaire Karachi.  Pierre-Mathieu Duhamel avait commencé sa carrière de haut-fonctionnaire au Budget avant d'échouer dans les Hauts-de-Seine version Pasqua après la défaite de la droite en 1988, puis revenir directeur adjoint de cabinet d'Alain Juppé en 1995, puis Directeur général des douanes et droits indirects et secrétaire général de Tracfin, le service anti-blanchiment du ministère des finances de 1996 à 1999. Actuellement président du comité stratégique du géant de l'audit KPMG, il est passé par LVMH où Nicolas Bazire, ancien directeur de cabinet d'Edouard Balladur (également mis en examen dans l'affaire Karachi) émargeait depuis l'échec balladurien en 1995. L'homme s'est presque excusé auprès de Mediapart: « J'ai été imprudent, je veux bien concéder ça. Léger aussi, peut-être, mais ces photos sur un bateau ne font pas de moi un intime de M. Takieddine.»

Entre 2002, date de sa nomination comme Directeur du Budget, et jusqu'en 2006 au moins, Duhamel « a accepté d'autres invitations de M. Takieddine, qui dissimulait alors la totalité de ses propriétés au fisc » a révélé Mediapart. 

Résumons-nous:
1. Depuis 2002, Ziad Takieddine, qui a fait notamment fortune grâce à son rôle d'intermédiaire dans la conclusion de ventes d'armes français, ne paye aucun impôt en France.
2. Depuis 2002, il est devenu l'ami proche de Jean-François Copé qui deviendra lui-même ministre du Budget à compter de 2004.
3. Depuis 2002, il fréquente le Directeur du Budget du ministre de l'Economie.


Qui dit mieux ?

Juan Sarkofrance

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