Revaloriser la laïcité en rompant avec la « pensée unique »
Les médias sont parvenus à imposer une « pensée unique » à l'échelle planétaire pour produire un homme moderne, flottant,
inculte, immature et sans esprit critique. Il s'agit de rendre la transmission de valeurs strictement impossible, dont entre autres, la laïcité, volontiers présentée comme un élément dépassé.
Forme ultime de ces malentendus, divers sophismes font passer l'idéal laïque pour un point de vue... sectaire. Alors que cette perversion et cet oubli du passé sont évidemment combattus par les
associations laïques et par les enseignements scolaires, l'État mondialiste se ferait volontiers éducateur au détriment de la culture générale requise pour comprendre l'importance de l'idéal
laïque. Huit sophismes brouillent ainsi les esprits et diffusent, dans le capitalisme total, le règne de cette « pensée unique » voulant saper le principe de laïcité :
1. Le sophisme de la mondialisation fait croire que ce qui est mondialisé vaut vérité. Or mondialisé n'est
pas synonyme d’universel pour autant. N’est-ce pas d’ailleurs l'universel sans l'humain ?
2. Le sophisme de l'économisme revient à confondre ce qui est premier avec ce qui est primordial. L’argent
devient la mesure de tout et tue l'esprit utopique. Les échanges entre les êtres s'appauvrissent au détriment de la culture générale. Or le principe de laïcité, en n’imposant aucune idéologie
dominante nous arme contre l'économisme et contre tout sectarisme. La marchandisation actuelle de la culture est aux antipodes de la gratuité de la culture humaniste qui porte l'idéal
laïque.
3. Le sophisme communicationnel fait croire que la communication suffit à assurer la transmission. Or
celle-ci se fait dans le temps et la communication instantanée sans la transmission trompe l'individu sur lui-même, l’éloigne du bien commun. C’est le règne de la « pensée unique », à l’inverse
d’un partage de valeurs éthiques et fraternelles qui suppose l'existence de sujets libres et critiques.
4. Le sophisme jeuniste fait croire que ce qui est récent est nouveau. Or le jeunisme, qu'il ne faut pas
confondre avec la jeunesse, consiste à rendre désirables l'immaturité et l'inculture. Il rend la transmission des connaissances et des valeurs communes impossible. C'est pourquoi il devient si
difficile d'enseigner au sein de l'école d'aujourd'hui et d'impliquer les jeunes générations dans les affaires de la cité. La dévalorisation des savoirs et de la culture politique affaiblit le
principe de laïcité qui garantit l'indépendance de tout enseignement et constitue une irremplaçable école de tolérance.
5. Le sophisme du relativisme culturel constitue un piège où tombent beaucoup d'esprits qui veulent « faire
moderne » : on « s'exprime » sans maîtriser la langue que l'on prétend en même temps... enrichir ; les valeurs républicaines et la laïcité deviennent des valeurs « parmi d'autres » et la dérive
relativiste s’installe dans les esprits.
6. Le sophisme pédagogique triomphe alors et en arrive à différer sans cesse les actes de s'instruire, de
transmettre et d'enseigner. Or la laïcité garantit l'exigence de transmission et l'acte d'enseigner contre toute intrusion cléricale ; si le principe de laïcité est malmené, l’enseignement
devient difficile.
7. Le sophisme communautariste entretient l'illusion que le lien social pourrait s'instituer par lui-même
sans la garantie du droit. Ceci fait le jeu du communautarisme clérical et installe les citoyens dans un espace qui n'est plus public et qui devient le lieu de la mise en scène des passions
privées des individus les plus forts et les plus bruyants.
8. Le sophisme clérical qui accorde un droit supérieur à gouverner à des organisations non élues et non
fondées sur l'expérience et les progrès scientifiques sous toutes leurs formes, alors qu'au contraire les individus, les peuples et l'humanité font face à des défis qui exigent la mobilisation
rationnelle des intelligences et le choix démocratique des solutions.
Ces sophismes font système et sévissent actuellement dans la société et les écoles. Pour refonder le principe de la laïcité, il convient de les déjouer.
Cela passe par la redéfinition du principe de laïcité, principe de séparation des Eglises et de l’Etat, en dehors des affects passionnels qui l'entourent et par une revalorisation de la culture
générale dans l’école et la société pour rompre avec cette « pensée unique » mondiale. L'inculture, l'obscurantisme et l’anti-intellectualisme ne font-ils le jeu des sectes et des préjugés ? Les
cléricalismes et les communautarismes profitent de l'effondrement du niveau de culture générale et d'instruction des jeunes et des citoyens pour inféoder les esprits. C’est la raison pour
laquelle l’on peut se demander s’il ne faudrait pas expérimenter des enseignements portant sur l'histoire des institutions laïques ou, comme le suggérait le professeur C. Nicolet, instaurer une
véritable éducation au métier de citoyen au sein des universités ou de la formation des maîtres. Sans cet effort de réinstitution de l'idéal laïque et républicain, la devise républicaine n'aurait
tout simplement plus de sens, ni d'avenir.
Charles Coutel
République