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12 mai 2012 6 12 /05 /mai /2012 22:31
A droite création d’un nouveau syndicat de magistrats

Ca n’a pas traîné : quelques heures après la victoire de François Hollande, une pincée de magistrats triés sur le volet ont reçu, lundi 7 mai, un mail qui leur proposait de rejoindre un nouveau syndicat nettement marqué à droite, et qui ne cache pas ses « orientations affirmées, très clairement exposées ». Le syndicat, créé le 20 avril mais qui ne devrait publiquement voir le jour que début juin, a été baptisé « Magistrats pour la justice » (MPJ).

 

Il est porté par une jeune parquetière, Alexandra Onfray, 39 ans, ancienne conseiller de Rachida Dati et procureur-colonel du Tribunal aux armées de Paris. Le tribunal ayant été supprimé en janvier, la jeune femme attend l’arme aux pieds une nouvelle affectation et a quelques loisirs. Un premier syndicat très marqué à droite, l’Association professionnelle des magistrats (APM), avait été fondé juste après la victoire de la gauche en 1981 et s’est dissous en 2008 dans de pénibles convulsions.

« Cette initiative comble un manque évident dans l’expression publique, monocorde et orientée, de la magistrature ces dernières années », écrit Alexandra Onfray. Elle appelle les juges à adhérer « parce que vous ne vous reconnaissez pas dans les syndicats qui s’expriment actuellement au nom de notre corps », le Syndicat de la magistrature (SM), qui à gauche, représente un tiers des magistrats, et l’Union syndicale des magistrats (USM), plus modérée, qui rassemble le reste, FO magistrat héritant de quelques miettes.

 

« Magistrats pour la justice » s’attaque clairement à l’USM. « Nous ne nous cacherons pas derrière la soi-disant défense d’intérêts collectifs de la profession pour prendre position sur tous ces sujets d’intérêt général pour la justice », annonce le syndicat. D’ailleurs, « vous avez été choqués de l’attitude de ces mêmes syndicats qui, ouvertement ou plus sournoisement sous des apparences apolitiques (une amabilité pour l’USM) ont pris position dans le débat présidentiel pour appeler à voter pour François Hollande. »

 

Contre « le laxisme pénal »

MPJ, si le mot n’est pas prononcé, s’inscrit clairement à droite. « Vous devez vous engager, écrit Alexandra Onfray, parce que vous refusez, comme le propose le nouveau président élu, de supprimer les peines-planchers et la rétention de sûreté, de conférer le droit de grève aux magistrats, de stopper les programmes de construction de places de prison au profit d’une politique de laxisme pénal ». La justice est « notre passion et nous n’accepterons pas qu’elle devienne un service social qui aide et déculpabilise ceux qui devraient la redouter ».

Alexandra Onfray ne souhaite pas pour le moment dire qui l’accompagne dans l’aventure. « L’objectif, c’est d’exposer des idées, de fédérer des magistrats qui ne se retrouvent dans les syndicats d’aujourd’hui, explique la procureure. Au départ, il s’agissait plutôt de créer un think thank, mais pour être plus lisible, nous nous sommes dit qu’il fallait fonder un syndicat et être associé à la concertation ministérielle, la forme syndicale s’est imposée d’elle-même ».

Elle assure « être complétement indépendante », n’avoir aucun lien avec l’Institut pour la justice, un groupe de pression dont le nom et les thèses sont fort proches, ni avec feu l’APM : « le paysage de la magistrature est tel qu’il reste des cases vacantes sur l’échiquier, même si nous seront étiquetés, invariablement, sourit la jeune femme. On se réserve un droit d’inventaire, on saura défendre ce qui nous semble légitime, combattre ce qui ne l’est pas, on ne cherche pas à se compter, ni à faire la nique à l’USM ».

Enquête de la DCRI

Alexandra Onfray, 39 ans, jouit d’une réputation balancée chez ses pairs, qui estiment diplomatiquement que son énergie ne supplée pas toujours ses initiatives hardies. Juge d’instruction à Rouen pendant trois ans, elle est vite aspirée à la chancellerie, devient bientôt chef de bureau à la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG), où elle est notamment responsable de la lutte contre les sectes. Or, la commission des lois de l’Assemblée nationale entend à cette époque simplifier la loi et supprime malencontreusement une disposition qui permettait de dissoudre une personne morale coupable d’escroquerie. L’affaire éclate en juin 2009 lorsqu’un tribunal s’aperçoit qu’il ne peut du coup pas dissoudre l’église de Scientologie. On mène l’enquête, pour savoir quel scientologue infiltré a pu faire disparaître le texte de loi, et le nouveau cabinet du garde des sceaux - Michèle Alliot-Marie est alors ministre de la justice - demande même une enquête à la DCRI (la direction centrale du renseignement intérieur, le contre-espionnage) sur Mme Onfray, mutée depuis juillet 2009 au Tribunal aux armées.

Les « vérifications » n’ont rien donné – Alexandra Onfray a tout sauf le profil d’une scientologue – mais elle n’a appris qu’on avait enquêté sur elle qu’en 2011, dans le livre Sarko m’a tuer (Stock) des journalistes du Monde Gérard Davet et Fabrice Lhomme, ce qui manque un peu d’élégance. « Qu’une enquête soit diligentée, cela ne me choque pas, assure la jeune femme, mais j’aurais aimé qu’à un moment, on m’en informe ». La dame a cependant un aimable caractère et n’en garde pas rancune à l’ancienne majorité.

vu dans le journal le Monde

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