3 février 2011
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Le
piège machiavélique de la Droite contre la Gauche
Droite et Gauche sont deux appellations commodes depuis la Révolution française de 1789 pour distinguer les deux groupes d’une société qui se disputent le pouvoir. Le cœur de la Droite réunit en général ceux qui possèdent un patrimoine, celui de la Gauche, ceux qui n’en ont guère ou pas. Ce conflit s’observait déjà sous la République romaine : « les Optimates » rassemblaient les Patriciens et les Chevaliers fortunés et « les Populares », la plèbe qui ne l’était pas et aspirait à un mieux-être.
I- De l’appel humanitaire de la Gauche au leurre d’appel humanitaire de la Droite
1- L’appel humanitaire, l’outil traditionnel de la Gauche
La préoccupation principale des possédants est de conserver leurs biens, voire de les accroître. Celle de ceux qui n’ont que leur travail et leurs
enfants (Proles, en Latin) pour tout bien, est d’abord de survivre, puis, pour les uns, de prendre la place des
possédants, et, pour les autres, de procéder à une répartition plus équitable des richesses. Il n’est donc pas étonnant que les possédants se soient montrés sourds à tout appel humanitaire et
se soient contentés, en dehors de la constitution de vastes clientèles indispensables à l’assise de leur domination, de ne concevoir la redistribution des richesses que dans les limites
étroites du leurre d’appel humanitaire appelé encore la charité, telle que la faisaient les dames
patronnesses du 19ème siècle et que la pratiquent toujours celles d’aujourd’hui : entreprises,
personnalités, stars ont souvent leur ouvroir dont la particularité est de se donner bonne conscience et de se promouvoir en affichant son altruisme sans mettre en danger sa suprématie
patrimoniale.
Les non-possédants de la Gauche, en revanche, ont fait de l’appel humanitaire, fondé sur le principe de réciprocité, l’instrument d’ une politique
de justice sociale pour une conquête du pouvoir et de son exercice : « Si tu veux qu’on t’épargne, épargne aussi
les autres », dit une fable de La Fontaine (1). Cet humanitarisme qui imprègne depuis le 19ème siècle les programmes politiques tant radicaux que socialistes et même démocrates chrétiens en France, est allé,
cependant, jusqu’à trouver des excuses sociales à la délinquance de rue, contre les biens et les personnes, tandis que les possédants s’employaient à protéger la délinquance économique et
financière par toutes sortes de roueries judiciaires qui leur assuraient la mainmise sur les richesses et leur répartition.
Telle est sans doute la ligne de partage des eaux en matière de sécurité intérieure entre la Gauche et la Droite, en pays démocratique. Le 3 mars
2002, deux mois avant le fatal 21 avril, le Premier Ministre de la Gauche plurielle, L. Jospin, en faisait l’aveu au cours du « 20 heures » de TF1 : « J'ai péché un peu par
naïveté, reconnaissait-il. Je me suis dit peut-être pendant un certain temps : « Si on fait reculer le
chômage, on va faire reculer l'insécurité ». On a fait reculer le chômage - il y a 928.000 chômeurs en moins - mais ça n'a pas eu un effet direct sur l'insécurité. »
2- Le leurre d’appel humanitaire, l’outil machiavélique de la Droite
contre la Gauche
La Droite qui sait à quelles robustes méthodes elle doit d’accaparer les richesses, n’est pas guettée par pareille naïveté. Au contraire, pour
s’en approprier davantage, tout se passe comme si l’ultra-libéralisme à laquelle une majorité de la Droite adhère depuis plus de vingt ans, avait mis au point une stratégie
machiavélique : détourner l’appel humanitaire, cet outil traditionnel dont la Gauche se sert pour réunir autour d’elle ceux qui ne possèdent pas de patrimoine, et accéder au pouvoir. En
feignant de le reprendre à son compte, la Droite ultra-libéraliste l’a dénaturé en leurre d’appel humanitaire. On
voit ce leurre mis en œuvre depuis plusieurs années sur deux terrains en particulier, l’École et l’immigration. Le paradoxe à la fois cruel et facétieux est que, prisonnière de
ce leurre d’appel humanitaire, la Gauche dans l’opposition est à son insu l’instrument auxiliaire de la
politique dévastatrice de la Droite au pouvoir.
II- Deux domaines d’application du leurre d’appel humanitaire par la Droite
1- La privatisation du Service public
d’Éducation
Le Service public d’Éducation est le premier terrain où l’on peut observer les ravages du leurre d’appel humanitaire dont les syndicats et professeurs de Gauche sont les utiles auxiliaires.
Sans doute l’École publique, créée par les Républicains Opportunistes entre 1882 et 1886, visait-elle à soustraire les enfants d’une France
paysanne à l’emprise cléricale et à en faire les employés qualifiés d’une économie industrielle. Mais, ce faisant, elle a offert à ces enfants du groupe qui ne possède pas de patrimoine, les
chances d’une élévation sociale par l’acquisition d’un savoir-patrimoine culturel et sa reconnaissance sociale : ainsi a-t-on vu un fils d’instituteur comme Georges
Pompidou devenir banquier, Premier Ministre et Président de la République.
Il est d’usage, d’autre part, de reconnaître au personnel enseignant une sollicitude envers leurs élèves qu’ils aimeraient voir tous
réussir : « Échec à l’échec ! » a même été un slogan de leur syndicat majoritaire, le SNES, si
démagogique fût-il. Cette sollicitude n’a pas échappé aux ultra-libéralistes de Droite. L’appellation « élève en
difficulté » a, par exemple, été inventée pour désigner des élèves qui étaient en situation d’échec. Un document préparatoire sur « l’Égalité réelle » du Parti
Socialiste pour l’élection présidentielle de 2012, va même désormais dans un élan de compassion thérapeutique jusqu’à parler d’ « élèves en souffrance » (2). Fort habilement, l’appellation « élèves en difficulté » a progressivement désigné tous les élèves en échec, qu’ils le soient malgré leur assiduité et
leur travail, ou qu’ils le soient à cause de leurs propres carences dans ces domaines. Une tradition d’excuse de la délinquance par des raisons socio-culturelles chez les professeurs de Gauche
a permis ainsi de confondre « élèves méritants à la peine » et « délinquants » dont les « délits » ont été souvent qualifiés par euphémisme humanitaire
d’ « incivilités ».
On a ainsi pu voir dans les conseils de classe, les commissions de remédiation et, plus rarement, dans les conseils de discipline que
l’administration rechignait à réunir, des petites frappes, une ou deux par-ci par-là, défendues par des professeurs souvent humiliés eux mêmes dans leurs classe, qui tentaient de se valoriser
auprès de leurs chefs. Forte de ce soutien humanitaire dévoyé des syndicats et professeurs de Gauche, l’administration a pu se montrer bienveillante envers ces voyous. Le désordre qui en a
résulté dans les établissements a mécaniquement fait fuir les élèves qui en avaient les moyens, dans des établissements privés.
L’opération est en cours et sa réussite est pour bientôt, à en juger tant par les faits divers répétés qui défraient la chronique, que par les
mesures répressives systématiques de l’administration envers les professeurs qui, ayant vu clair dans son jeu, s’opposent à cette destruction du Service Public d’Éducation par sa baisse de
qualité que programme depuis 1996 un rapport de l’OCDE intitulé « La faisabilité politique de
l’ajustement ». Ce ne sera pas un mince exploit de la Droite ultra-libéraliste : les prétendus défenseurs de l’École publique auront prêté main forte à leur insu à sa
destruction… par leur humanitarisme que la Droite ultra-libérale aura su habilement dévoyer grâce à un leurre d’appel
humanitaire non identifié.
2- L’immigration encouragée pour bloquer les salaires
L’encouragement à l’immigration est un deuxième terrain où ce même leurre fait merveille.
La Gauche n’a-t-elle pas une tradition de défense du faible contre le fort, de l’opprimé contre l’oppresseur et donc de l’immigré, faible et
opprimé par nature, surtout quand il est clandestin ? L’appel humanitaire familier à la Gauche y trouve un terrain d’exercice privilégié.
La Droite ultra-libéraliste se sert de ces élans généreux pour convaincre d’accueillir une immigration, censée venir combler les insuffisances du
remplacement d’une génération par une autre. On a pu voir que même une immigration clandestine n’a pas rencontré beaucoup d’obstacles pour permettre à un certain patronat d’embaucher des
employés au meilleur coût.
Par temps de mondialisation, les entreprises françaises ont deux fers au feu : soit la délocalisation de leurs activités dans des pays où les
salaires peuvent être 10 fois inférieurs au SMIC français voire davantage, soit mettre les nationaux en concurrence avec un courant d’immigration pour faire baisser les salaires ou du moins
maintenir leur stagnation : on s’accorde à reconnaître que les salaires français – exception faite de ceux d’une ploutocratie qui se gave – ont stagné depuis 25 ans.
La sollicitude humanitaire au cœur d’un tempérament de Gauche est très utile : car la Droite est sûre pour ses projets d’enrichissement de
trouver des organisations de Gauche toujours prête à défendre le droit à l’immigration, même si l’ancien Premier Ministre socialiste, Michel Rocard, dans un article publié par Le Monde, le 24 août 1996, a sonné l’alarme : « La France, écrivait-il, ne peut accueillir toute
la misère du monde, mais elle doit savoir en prendre fidèlement sa part. »
La Gauche est ainsi prise au piège de son propre moteur politique, qu’est l’appel humanitaire dont la réciprocité fonde une politique de
justice sociale. Dans l’Éducation nationale et à propos de l’émigration, son humanitarisme est habilement utilisé par la Droite ultra-libéraliste pour casser l’instrument d’ascension sociale
qu’est l’École, et bloquer les salaires, voire les faire baisser, afin d’accroître les marges de profits des possédants et maintenir leur suprématie, y compris par hérédité. On trouve, en
effet, de plus en plus de fils ou de fille de… aux postes de responsabilité. Comment sortir du piège ? La Gauche doit apprendre la différence entre appel humanitaire et leurre d’appel
humanitaire. Paul Villach
(1) Jean de La Fontaine, « L’Oiseleur, l’Autour et l’Alouette », « Fables », VI-15.
(2) Paul Villach, « Achever la
ruine de l’École, est-ce le projet du Parti Socialiste ? », AgoraVox, 18 novembre 2010.
par
Paul Villarch