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20 juillet 2012 5 20 /07 /juillet /2012 09:12

 

Un nouveau plan de rigueur a fleuri en Espagne juste avant les vacances. La liste des mesures est éloquente :
Baisse de 3 % du pouvoir d’achat de tous par une hausse de la TVA de 18 à 21%. Cela représente environ 415 euros par an pour chaque famille espagnole.

De plus, les fonctionnaires voient leur salaire baisser de 7% après une première érosion de 5% avec le gouvernement de Zapatero. La baisse du salaire des fonctionnaires est donc de 15 % au total (TVA incluse mais sans compter l’inflation).

Enfin, le chômage atteint 24% des Espagnols et 50% des moins de 25 ans mais les allocations chômage seront réduites de 20% à partir du 6ème mois d’inactivité !

Ces mesures ultralibérales ne soulagent en rien les marchés de capitaux auxquels ils sont sensés répondre. En effet, les Marchés souhaitent de telles mesures pour récupérer leur argent mais en même temps les redoutent car les recettes fiscales ne sont pas au rendez vous comme on le voit sur le graphique ci-dessous.


(Graphe Natixis ; données en bleue de 2012 actualisée selon communiqué du gouvernement sur Bloomberg)
(Graphe Natixis ; données en bleue de 2012 actualisée selon communiqué du gouvernement sur Bloomberg)
Du coup, avec la hausse des charges dues au chômage, le déficit public ne se réduit pas ou bien trop peu. La dette publique augmente chaque année. Elle atteindra 90% du PIB cette année (100% si les banques avaient dues être sauvées par l’Espagne et non par la Zone Euro).


(Graphe Natixis)
(Graphe Natixis)
Cette politique est donc suicidaire et loin de remplir les caisses de l’Etat, continue à les vider tout en vidant les poches des citoyens, en accroissant le chômage et en contribuant à fermer les entreprises.

Parmi les petites mesures passées par le gouvernement espagnol, en figurent une qui a fait réagir leurs victimes. En effet, les mines de charbon espagnoles vont fermer car toutes les subventions aux mines de charbon vont être arrêtées. Cela n’a peut-être pas de sens de fermer ces mines si cela crée du chômage, une baisse des cotisations sociales et des recettes fiscales mais la commission en a décidé ainsi.

Désespérés car sachant que le chômage est à 24% et qu’ils ne retrouveront pas de travail, les mineurs ont marché 400 kilomètres pour atteindre Madrid. « Nous devons faire prendre conscience au gouvernement que les villes minières doivent survivre, tout comme le charbon », explique Antonio Risco, un marcheur de 52 ans, en pré-retraite après 22 ans passés au fond des puits (dans un interview au Monde de la semaine dernière). Francisco Martin, 35 ans, venu de la province de Teruel explique :

« S’ils ferment les mines, il ne reste plus rien, ils avaient beaucoup de temps pour reconvertir les bassins miniers, et ils n’ont rien fait. S’ils ferment, ils nous jetteront dehors et où irons nous, s’il n’y a rien ? ».

Fatigués après 2 semaines de marche les mineurs ont défilé devant la résidence du chef de gouvernement au cri de « nous sommes des mineurs, pas des terroristes », « ils sont là, ceux qui extraient le charbon ». Ils ont été accueillis par une foule chaleureuse venue les accueillir après leur longue marche. Quelques personnes ayant jeté des pierres sur les policiers protégeant les immeubles publics, ceux-ci ont tiré des balles en caoutchouc qui ont causé de nombreuses blessures. Plus grave, des policiers ont attaqué des jeunes hommes et femmes à la matraque : leurs visages parfois en sang montre la brutalité avec laquelle ils ont été traités.


(Manifestation des mineurs à Madrid, juillet 2012 - CLAVIERES VIRGINIE/SIPA)
(Manifestation des mineurs à Madrid, juillet 2012 - CLAVIERES VIRGINIE/SIPA)
La population panique car elle ne sait plus comment survivre. Si le gouvernement espagnol tue son économie et rend son peuple incapable de se loger, de se soigner, bref de vivre correctement, tout cela pour rien car la dette publique augmente inexorablement, il est normal qu’il y ait des manifestations. Celles-ci sont là pour que les dirigeants changent de direction quand ils vont dans une impasse et sont illégitimes.

Le courage politique voudrait que le gouvernement espagnol sorte de l’euro pour donner une bouffée d’air à son économie et puisse se financer à des taux raisonnables et non à 7% : cela est facile, il suffit qu’il ait la possibilité d’emprunter auprès de sa banque centrale au lieu de payer des rentes de plus en plus élevées aux Marchés financiers.

Il pourrait rester dans l’Euro. Si le gouvernement était responsable et courageux, il devrait faire un ultimatum public à l’Europe en expliquant qu’il ne peut pas tuer sa jeunesse et qu’il faut un plan qui ait du sens. Pour cela, des prêts à des taux abordables devraient être accordés par la BCE pour donner une chance à l’Espagne de sortir de cette impasse. On prête 1000 Milliards d’euros aux banques à 1% qui n’en font rien et l’Espagne est obligée d’emprunter sur les Marchés à 6 ou 7% !

Rien de cela n’est fait, l’élite refuse de proposer un avenir voir un présent à ses jeunes et à sa population en général. La violence monte. Tout ceci relève d’une totale irresponsabilité. A tous les citoyens de comprendre qu’il faut s’unir et proposer un programme réaliste à des dirigeants qui ne maîtrisent plus la situation. L’indignation pure sert à peu de choses.

Il faut du courage, il faut de la solidarité, il faut reprendre les bonnes idées des autres et les défendre. Nous sommes tous responsable : nous devons ensemble faire bouger les dirigeants politiques pour qu’ils sortent de l’idéologie. Sinon la violence montera cran par cran. Jusqu’à l’impensable ?


Philippe Murer est professeur de finance et membre du forum démocratique.
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