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17 juin 2011 5 17 /06 /juin /2011 15:09
Une île au caractère volcanique donne des leçons de démocratie numérique

Si les regards actuels sont légitimement tournés vers les pays du pourtour méditerranéen, et prioritairement la Grèce, une révolution plus silencieuse est en train de naître sur une île en plein Océan Atlantique. Une île ayant une réputation sulfureuse, c'est le moins que l'on puisse dire au vu de son activité volcanique récurrente, mariant la beauté de ses paysages naturels à d'audacieuses initiatives numériques. L'effervescence Islandaise pourrait bien avoir à terme des répercussions au-delà de ses côtes...

L'Islande attira l'attention du monde à de nombreuses reprises ces derniers mois, plus que toutes les années précédentes : que cela soit pour les perturbations du transport aérien Européen avec le réveil de l'Eyjafjöll en 2010 ou du choc de la crise financière mondiale l'ayant frappé de plein fouet en 2008 [1].

Cette île d'origine volcanique s'étalant sur 103,001 km² est réputée pour être une très ancienne terre d'asile depuis ses premiers colons. Elle a forgé un peuple fier de ses origines mais aussi têtu quant à son particularisme, lequel s'enorgueillissant d'avoir disposé de l'Althing, la plus ancienne assemblée populaire existante au monde.

C'est aussi conscients de leurs faibles ressources naturelles (hors l'énergie géothermique et hydraulique) que les Islandais ont opté certes vers une financiarisation de leur économie qui allait les perdre (mais qui leur permit cependant de bénéficier d'une prospérité leur offrant les moyens de consolider ou créer de nouvelles infrastructures sur le territoire) tout comme un intérêt accru pour les nouvelles technologies de l'information et de la communication.

La meilleure illustration quant à ce dernier point étant la fameuse initiative législative International Modern Media Institute visant à faire de l'Islande une île favorable aux investisseurs comme aux défenseurs de la liberté d'expression. Coup double : se donner une image flatteuse devant le reste du monde et les acteurs professionnels ou amateurs des nouvelles technologies ; créer les ressources économiques de demain, en combinant respect de l'environnement et confiance dans le progrès.

Ce faisant, un autre élément allait encore renforcer le lien unissant l'île aux nouvelles technologies : la crise financière [2] et le référendum ayant décidé en 2010 (réitéré en 2011) de ne pas faire porter sur les contribuables insulaires la faillite de la banque IceSave, suscitant l'ire des Pays Bas et surtout de l'Angleterre. Les deux principaux clients commerciaux de l'Islande, lésés à travers les filiales de la banque spoliant nombre de clients locaux de leurs investissements. La majorité écrasante de 93% (59% lors du second référendum) désavoua non seulement le gouvernement en place mais aussi renforça les objurgations de nombreux acteurs financiers de haut rang peu acoutumés à ce qu'un peuple lui tienne tête.

Cette rebuffade allait avoir en effet une conséquence particulière : la prise de conscience de la nécessité d'une nouvelle constitution dont la rédaction entrerait dans les mains non de professionnels du droit mais entre celles de citoyens s'étant portés candidats pour faire partie de l'assemblée constituante.

L'objectif et les modalités de fonctionnement de cette assemblée sont décrits sur le site officiel :

The role of the Constitutional Council is to discuss the Constitutional Committee Report and prepare a bill about a revised constitution, taking into consideration the results of the National Forum 2010. The Constitutional Council decides which parts shall be revised and/or suggests new provisions or chapters be added to the current Constitution. The Constitutional Council has three to four months to complete its role and is comprised of 25 delegates.

When the Council has come to an agreement about a bill about a revised constitution the bill will be sent to Althingi for processing. The revised constitution does not come into force unless the requirements of the current Constitution are fulfilled and these requirements state that Althingi has the final word with voting between two discussions.

Là où le sujet devient encore plus passionnant c'est l'immixtion des nouveaux médias sociaux que sont Facebook, Twitter, Youtube et Flickr : tous étant référencés sur le site officiel avec un encouragement adressés aux citoyens Islandais de participer activement l'élaboration du texte final par cette entremise.

Si le principe d'assemblée constituante ne saurait être novateur, encore que composé de citoyens lambda cela est déjà remarquable, le fait d'opter pour des moyens de communication modernes est à porter à l'actif de ce peuple là où des gouvernements de par le monde oeuvrent en sous-main pour brider leur emploi, au mépris de la liberté d'expression, de l'accompagnement du progrès technique mais aussi des opportunités économiques.

Birgitta Jónsdóttir est déjà devenue la pasionaria de ce mouvement de fond. Elle, poète à l'instar des skaldes scandinaves, symbolise mieux que quiconque cet attachement rafraîchissant de la souveraineté populaire à travers cette révolution technologique couplé à un nécessaire besoin de réformes drastiques en pleine tourmente politico-financière [3].

L'Histoire retiendra bientôt que c'est en Islande qu'aura été ébauchée la première e-constitution née de l'intelligence collaborative numérique. Un exemple à suivre et qui démontre qu'Internet est devenu la courroie des mouvements de ce monde, n'en déplaisent aux contempteurs du progrès.

Yannick Harrel

  Le site officiel Stjórnlagaráð
La page Facebook officielle : Stjórnlagaráð

[1] Une crise qui allait la forcer à demander l'amorce de négociations afin de devenir membre à part entière de l'Union Européenne et se placer sous la protection de l'Euro. Lesdites négociations débuteront le 27 juin 2011.
[2] Pour une analyse circonstanciée, se rendre sur l'article de Wikipédia : 2008–2011 Icelandic financial crisis
[3] Marianne lui consacrant tout un billet en son édition du 15 juin 2011 sous la plume de Flore Vasseur.

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