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29 juillet 2012 7 29 /07 /juillet /2012 07:44
Quand l'Europe attaque la laïcité et fait la promotion du communautarisme

 

Avatar de Yohann Duval

Par
Militant républicain

LE PLUS. La France doit-elle devenir un pays clientéliste pour les communautés religieuses ? Pour notre contributeur Yohann Duval, les recommandations en la matière du commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe à la France sont totalement à côté de la plaque.

Édité par Maxime Bellec

Le sommet de l'Union européenne du 29 juin 2012 (CHINE NOUVELLE/SIPA)

Le sommet de l'Union européenne du 29 juin 2012 (CHINE NOUVELLE/SIPA)

 

L'Europe n'en finit plus de nous émerveiller. Nos élites, nourries au biberon de "l'Europe qui protège", en sont encore à découvrir avec stupeur les vices de fabrication de la monnaie unique. Plutôt que de s'interroger sur le bien-fondé de leur entreprise, il choisissent la fuite en avant et se saisissent de l'occasion pour bondir sur leurs sièges en criant "Fédéralisme ! Fédéralisme !", car - c'est bien connu - si les choses se passent mal, notamment en Grèce et en Espagne, c'est parce que nous n'avons "pas assez d'Europe". Pendant ce temps, victimes d'un aveuglement idéologique comparable, les commissaires rêvent à haute voix et s'enivrent de leur propres certitudes.

 

Nous avions déjà vu Cécilia Malmström, commissaire européenne aux affaires intérieures, réclamer toujours plus d'immigration de manière totalement dogmatique, mais ce n'était qu'un apéritif. Cette fois, c'est Nils Muižnieks, commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, qui nous livre le fruit de sa réflexion. Autant le dire tout de suite : les défenseurs de notre modèle républicain ont de quoi être consternés.

 

Un réquisitoire contre la laïcité

 

Dans son communiqué de presse du 24 juillet 2012, il estime en effet que "les préjugés antimusulmans entravent l'intégration". Dénonçant "des lois et des politiques restrictives" prises dans de nombreux pays d'Europe, dont la France, il condamne tout particulièrement les lois interdisant aux femmes de porter le voile intégral dans l'espace public. Selon lui, ce genre de textes serait purement et simplement discriminatoire, car spécifiquement "antimusulman". De la même façon, le vote d'une majorité d'électeurs suisses en faveur de l'interdiction de la construction de minarets constituerait une "atteinte portée à leur liberté de religion".

 

La question du port du voile intégral a été l'objet de nombreuses discussions en France. À l'issue d'un débat agité, une loi votée en 2010 a rappelé que, sur le territoire de la République, chacun doit montrer son visage à découvert. Ce texte fait l'objet d'un large consensus. D'une part parce que nous considérons depuis fort longtemps que la religion est une affaire strictement privée, qui ne doit pas venir perturber le fonctionnement de notre vie en société, et qu'à ce titre il est légitime de bannir les signes ostentatoires et le prosélytisme religieux.

 

D'autre part, parce qu'attachés à l'égalité entre hommes et femmes, il était inacceptable de laisser se propager dans l'espace public la manifestation d'un signe d'asservissement d'une moitié de la population. En quoi une telle loi, qui relève du simple bon sens, pourrait-elle perturber nos compatriotes musulmans ?

 

L'auteur déplore ensuite que "nombre de femmes musulmanes estiment n’avoir aucune chance de trouver un emploi, à cause de politiques limitant le port de symboles ou de tenues à caractère religieux ou culturel". Bien entendu, à aucun moment il n'est envisagé que le problème puisse provenir de cette forme de revendication identitaire, consistant à importer des coutumes qui n'ont que peu à voir avec la religion et pouvant être considérées comme un refus de l'assimilation à la nation. Certains événements récents pourraient d'ailleurs appuyer cette idée. Mais non : dans l'esprit de notre commissaire, le problème vient des lois, qu'il faut à tout prix changer pour ne pas froisser les différentialistes. On croit rêver, mais le "meilleur" reste à venir.

 

Il se lamente, en effet, sur les incessants contrôles effectués "à l’encontre des musulmans" par les policiers, les douaniers et les garde-frontières, qui arrêteraient certains de nos concitoyens "à cause de leur apparence". Leur apparence ? Une "apparence musulmane" ? S'agit-il d'un clin d’œil ironique aux propos absurdes tenus par Nicolas Sarkozy le 26 mars dernier ?

 

Sarkozy et les "musulmans dapparence" (NOUVELOBS)

L'auteur pense-t-il sérieusement qu'il existe un moyen de distinguer, au premier regard, un musulman d'un athée ou d'un catholique ? On n'ose le croire, on se frotte les yeux, mais c'est pourtant bel et bien ce qu'il laisse entendre sans aucune ambiguïté.

Les bons conseils de l'Europe sur le communautarisme

 

Tout aussi grave, si ce n'est plus : la partie concernant les recommandations, modestement intitulée "Ce que les gouvernements devraient faire". Notre représentant du Conseil de l'Europe exige des mesures concrètes. "Les gouvernements devraient renoncer aux lois et mesures visant spécialement les musulmans et interdire la discrimination fondée sur la religion ou les convictions dans tous les domaines", clame-t-il.

 

Mais quelles sont ces lois "visant spécialement les musulmans", par exemple en France ? Aucun exemple n'est donné, et pour cause... s'il est question de la loi sur le voile intégral, il faut rappeler que celle-ci n'est pas spécifique à une religion (ce qui serait, au passage, inconstitutionnel), car la République ne reconnaît aucun culte. Elle s'applique à tous, sans distinction.

 

Mais qu'est-ce que la notion d'égalité républicaine, pour un technocrate letton qui ne connaît manifestement rien de notre héritage culturel ? Cette ignorance le pousse à réclamer ce qui ne peut que passer pour une abomination aux yeux de ceux que l'idéologie du "droit à la différence" n'a pas aveuglé : il conviendrait en effet de "participer à l’élaboration des politiques et de mener des recherches sur la discrimination à l’encontre des musulmans et d’autres groupes religieux". Concrètement, "ces recherches devraient s’appuyer sur la collecte de données ventilées par origine ethnique, religion et sexe".

 

En d'autres termes, il est question de "statistiques ethniques" et de "discrimination positive", un cocktail qui peut sembler séduisant aux yeux des belles âmes, mais qui devient tout de suite beaucoup moins glamour quand on s'y penche de plus près.

 

Il s'agit donc de découper la nation française, qui est certes diverse, en petites tranches pour ensuite donner des droits supplémentaires à certaines d'entre elles - et rompre par la même occasion l'égalité républicaine, car c'est bien la traduction dans les faits des termes "discrimination positive" - ne pourrait qu'encourager l'escalade des revendications clientélistes et les logiques d'affrontement entre les prétendues "communautés". Je ne suis pas certain que la balkanisation de notre pays soit une perspective particulièrement réjouissante.

 

Par ailleurs, approuver les statistiques ethniques reviendrait à tenter de lutter contre les discriminations en les institutionnalisant, en les officialisant et en leur donnant tous les attributs d'une base légale. Après avoir gravé dans le marbre le fait qu'un "noir" et un "blanc", ou encore qu'un musulman et un juif (par exemple), sont fondamentalement "différents" et qu'ils méritent donc de ne pas être traités de la même façon, il n'est pas difficile d'imaginer les effets ravageurs que pourraient avoir ce genre de chiffres sur la cohésion nationale. L'argumentaire ne parvient absolument pas à convaincre et provoque même, par bien des aspects, un certain malaise.

 

Il ne faut rien céder sur notre modèle républicain

 

Les discriminations, quand elles existent, doivent bien entendu être combattues avec la plus grande détermination. Il convient, cependant, de garder les pieds sur terre et de ne pas croire que la panacée universelle existe : nombre de prétendus remèdes pourraient s'avérer, au final, bien pires que le mal. Le fait que tout ne soit pas parfait n'est pas un motif suffisant pour jeter aux orties notre modèle républicain, a fortiori si c'est pour ouvrir la porte au communautarisme.

 

"L'enfer est pavé de bonnes intentions", dit-on. Les recommandations de Nils Muižnieks illustrent à merveille ce proverbe.  

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